- Ucralo—
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Date d'inscription : 19/10/2014
La responsabilité
10.11.14 20:22
A quoi ça sert de réfléchir à des questions théoriques générales sur la responsabilité ?
Un exemple qui ne blessera personne : partager des cerises mûres.
Une solution déresponsabilisante.
Une solution responsabilisante en fonction des actes.
Quand responsabiliser les actes ?
- Spoiler:
- Dans nos esprits, nous avons à la fois le potentiel de responsabiliser ou de déresponsabiliser la plupart des actes. Dans les deux cas, nous arrivons à trouver toute une réserve d'arguments.
Pour déresponsabiliser des actes, il suffit de dire que le libre-arbitre n'existe pas, que les choix ne sont pas libres et de donner une longue liste de causes qui déterminent ces actes.
Pour responsabiliser des actes mauvais, il suffit de dire qu'ils sont scandaleux, qu'on ne peut pas les cautionner, et de donner une longue liste de malheurs causés par ces actes.
Pour responsabiliser des actes bénéfiques, il suffit de dire qu'ils faut les encourager, qu'on ne peut que les cautionner, et de donner une longue liste de bénéfices causés par ces actes.
Le danger, c'est que notre manière de juger moralement se retrouve biaisée.
Par exemple, c'est à cause de ça que l'on a plus tendance à déresponsabiliser un ami qui fait quelque chose de mal qu'un inconnu qui ferait la même chose. Or, idéalement, il faudrait mettre de la cohérence et faire le même raisonnement pour l'un et pour l'autre.
Par rapport aux questions morales abordées par le féminisme, pour tendre vers plus de cohérence, on pourrait faire des analogies. Le problème, c'est que certaines analogies (comme celle-là) blessent certains membres.
Du coup, j'ouvre ce fil pour que l'on puisse débattre sur la responsabilité en général en s'appuyant sur des exemples qui ne blesseront personne. C'est moins pertinent, mais c'est mieux que rien.
Un exemple qui ne blessera personne : partager des cerises mûres.
- Spoiler:
- Soit deux voisins : Arthur et Bruce. Chacun a un cerisier. Ces deux cerisiers produisent autant de cerises. Chez eux, les cerises ne se font pas beaucoup attaquer par les oiseaux et les insectes.
Arthur est très tenté de manger ses cerises et les mange dès qu'elles commencent à rougir.
Les cerises de Bruce commencent à mûrir un peu plus tard. Bruce attend que les cerises soient bien mûres avant de les manger.
Au bout d'un moment, le cerisier d'Arthur n'a plus de cerises, tandis que Bruce continue de manger des cerises mûres de temps en temps.
Au final, Bruce mange de meilleures cerises que Arthur. Arthur trouve que c'est injuste : Ce n'est pas de sa faute s'il n'arrive pas à attendre que les cerises mûrissent.
"Hey, Bruce, tu pourrais me donner une partie de tes cerises mûres, s'il-te-plaît ? Je n'ai pas mangé de cerises mûres, moi.
-Désolé, Arthur. Pour manger des cerises mûres, tu aurais dû attendre que tes cerises mûrissent avant de les manger. J'ai fait l'effort d'attendre, moi."
Le problème :
Des fois, ce qui est bien pour une personne rentre en conflit avec ce qui est bien pour une autre personne. Par exemple, le fait qu'Arthur mange beaucoup de cerises mûres rentre en conflit avec le fait que Bruce mange beaucoup de cerises mûres. Dans le cas présent, cela amène à la question : Qui devrait manger les cerises mûres ?
Une solution déresponsabilisante.
- Spoiler:
- Une solution déresponsabilisante de répondre à la question serait la suivante : On fait comme si Arthur n'avait pas choisi de ne pas attendre que les cerises mûrissent et on cherche à répartir de manière "équitable".
Par exemple, on donne à Arthur une partie des cerises mûres de Bruce, mais moins que la moitié, car Arthur a déjà mangé des cerises pas très mûres auparavant.
En pratique, pour un observateur omniscient, savoir de manière absolue quelle serait la solution la plus juste serait complexe, parce que le plaisir de manger des cerises mûrs n'a peut-être pas la même intensité chez Arthur et Bruce, et n'est d'ailleurs pas forcément proportionnel au nombre de cerises mangées. Mais laissons tomber cette complexité.
Quel jugement aurait un observateur non omniscient ? Il n'est pas dans la tête de Arthur et Bruce, donc ne peut pas savoir avec certitude comment ils vivent de manger des cerises. Mais il peut quand même juger quelle solution serait probablement équitable. Si cet observateur a une approche déresponsabilisante, il va juger que Bruce devrait donner une partie de ses cerises mûres à Arthur.
Une solution responsabilisante en fonction des actes.
- Spoiler:
- Une solution responsabilisante de répondre à la question serait la suivante : Contrairement à Arthur, Bruce a choisi d'attendre que les cerises mûrissent. Il a plus de mérite qu'Arthur. Cela implique que la répartition des cerises mûres devrait se faire davantage en faveur de Bruce.
Être moralement responsable de ses actes, c'est ce qui fait que ces actes peuvent impliquer que leur auteur soit plus ou moins favorisé par rapport à d'autres personnes.
Dire que Arthur et Bruce sont responsables de leurs actes d'attendre ou non que les cerises mûrissent avant de les manger, c'est dire que, si l'un attend mais pas l'autre, alors celui qui attend doit être favorisé par rapport à l'autre.
Quand responsabiliser les actes ?
- Spoiler:
- Pour pondérer la responsabilité d'un acte, on aime bien faire appel au concept de la liberté : Plus on est libre de ses actes, plus on en est responsable.
Si on considère toute la difficulté d'Arthur d'attendre que les cerises mûrissent comme une sorte de pathologie qui ne fait pas partie de l'identité d'Arthur, alors Arthur n'est absolument pas libre : Ce n'est pas lui qui détermine le choix d'attendre, mais sa maladie. Alors, on aura envie de déresponsabiliser Arthur de ses actes.
Si on considère que cette pathologie ne correspond qu'à une partie de la difficulté d'Arthur d'attendre, alors le choix d'attendre vient quand même un petit peu d'Arthur. Alors on aura envie de responsabiliser un petit peu Arthur.
Si on considère que le choix d'attendre vient principalement d'Arthur, alors on aura envie de responsabiliser Arthur.
Sur quels critères devrait se baser un observateur omniscient pour savoir dans quelle mesure il faudrait responsabiliser Arthur ?
Sur quels critères devrait se baser un observateur non omniscient pour savoir dans quelle mesure il faudrait probablement responsabiliser Arthur ?
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