- Arrakis—
- Messages : 1803
Date d'inscription : 29/02/2012
Stratégies de survie au sein du patriarcat
25.06.13 10:37
Nouveau sujet pour éviter le H.S. sur celui consacré à la page Facebook "I need sex positive feminism". J'ai choisi de partir exclusivement des propos tenus, sans les mettre en relation avec cette fameuse page, parce que ce n'est pas cette dernière qui m'intéresse et que je n'ai même pas eu le "courage" d'aller y faire un tour...
Si possible, j'aimerais bien que ce sujet reste centré un max sur "les stratégies de survie au sein du patriarcat,leur impact, leur "efficacité", et ne dérive pas, par exemple, sur "la prostitution et sa légalisation ou son abolition", d'autant qu'on ne manque pas de sujets "prostitution" sur le forum. Pas forcément facile je sais, mais il me semble que "les stratégies de survie" offrent amplement matière à discussion et analyse, et je trouverais ça dommage que le sujet soit "noyé" parce qu'il a "dérivé".
Je ne vois pas trop comment il est possible de vivre autrement qu'en essayant de "retourner"
Du coup, à mon avis, les désaccords et conflits concernent surtout les situations qui peuvent être "aménagées" et rendues vivables, et celles qui sont "trop violentes" pour pouvoir l'être, sont inacceptables en tant que telles. Ce qui va bien au delà des désaccords concernant le statut des prostituées/travailleuses du sexe / de la prostitution, même si les conflits se focalisent souvent autour (ainsi que sur le port du voile).
Par ailleurs, je ne crois pas qu'on participe à l'oppression en prenant plaisir à sa situation, ou en tentant de la "retourner". Il s'agit juste de vivre, comme on peut, avec les moyens qu'on a sous la main.
Enfin, plus précisément : je pense que tout le monde participe dans une certaine mesure à l'oppression, via certains réflexes, comportements etc, bref, de par sa construction...Et ce y compris, souvent, dans sa manière de la combattre, parce qu'il est super difficile, voire impossible, de trouver des "méthodes" sans failles, a fortiori quand on n'a pas 300 ans pour préparer son discours, ses actes... Bref, quand on vit.
(J'ai l'impression de faire ma Captain Obvious mais autant le préciser...)
Evidemment, on peut par ailleurs perpétuer la domination, en niant l'existence du patriarcat et/ou de la domination, on qu'on ne dit pas littéralement que "la domination c'est super dans certains domaines, par exemple le sayxe, les féministes elles sont trop connes de pas avoir compris que les femmes jouissent d'être dominées sexuellement (par les hommes of course), que c'est trop bien et que ça ne pose aucun problème".
Mais c'est tout autre chose, et je n'ai souvenir d'avoir entendu de tels discours chez les "pro sexe"
Si possible, j'aimerais bien que ce sujet reste centré un max sur "les stratégies de survie au sein du patriarcat,leur impact, leur "efficacité", et ne dérive pas, par exemple, sur "la prostitution et sa légalisation ou son abolition", d'autant qu'on ne manque pas de sujets "prostitution" sur le forum. Pas forcément facile je sais, mais il me semble que "les stratégies de survie" offrent amplement matière à discussion et analyse, et je trouverais ça dommage que le sujet soit "noyé" parce qu'il a "dérivé".
Jezebel a écrit :
D'une côté les pro-sexes qui pense que l'ont peut retourner certaines situations d'oppression à son avantage, voire que l'oppression peut bien se vivre (dans le sens où elle n'est pas systématiquement vécue comme telle), que l'on peut retourner, s'approprier le pouvoir que les autres ont sur nous (les dominants).
De l'autres, les non pro-sexes qui veulent mettre fin à toutes les situations d'oppression quelles qu'elles soient et de manière inconditionnelle. Pas d'arrangement (en tout cas dans les revendications) et qu'il n'y a rien de subversif dans l'attitude des pro-sexes et cette position continue à perpétuer les inégalités.
Ko a répondu :
Je me considère comme pas "pro sexe" (même si j'ai déjà du mal avec ces appellations), mais je n'ai pas l'impression que le fait d'essayer de tirer du plaisir (ou de souffrir le moins possible), ou d'essayer de retourner ce que je considère comme une situation d'oppression continue à perpétuer les inégalités.
Pour moi, c'est juste une des réactions possibles et logiques à l'oppression.
Ça me fait penser à la critique de Bourdieu qui avait été faites par Nicole Claude Mathieu et Thiers Vidal; en gros, Bourdieu, en s'intéressant aux signes symboliques de la domination (après, j'ai pas lu le bouquin, donc, je reporte ici uniquement les critiques, hein...), mettait essentiellement l'accent sur la responsabilité des opprimées dans leur domination, et Thiers Vidal et NCM montraient (si je me souviens bien) en quoi les responsabilités de l'oppression étaient bien plus du coté des oppresseureuses et extérieures aux opprimé-e-s que ce que l'on aurait pu penser (enfin, c'est un débat qu'on a déjà eu ici moult fois, je sais qu'il y en a beaucoup qui ne sont pas d'accord ;-).
Je ne vois pas trop comment il est possible de vivre autrement qu'en essayant de "retourner"
- note:
- Je préfère le terme "aménager", l'oppression peut être atténuée, mieux supportée, mais elle ne va pas disparaître ou "s'inverser" par miracle
Du coup, à mon avis, les désaccords et conflits concernent surtout les situations qui peuvent être "aménagées" et rendues vivables, et celles qui sont "trop violentes" pour pouvoir l'être, sont inacceptables en tant que telles. Ce qui va bien au delà des désaccords concernant le statut des prostituées/travailleuses du sexe / de la prostitution, même si les conflits se focalisent souvent autour (ainsi que sur le port du voile).
Par ailleurs, je ne crois pas qu'on participe à l'oppression en prenant plaisir à sa situation, ou en tentant de la "retourner". Il s'agit juste de vivre, comme on peut, avec les moyens qu'on a sous la main.
Enfin, plus précisément : je pense que tout le monde participe dans une certaine mesure à l'oppression, via certains réflexes, comportements etc, bref, de par sa construction...Et ce y compris, souvent, dans sa manière de la combattre, parce qu'il est super difficile, voire impossible, de trouver des "méthodes" sans failles, a fortiori quand on n'a pas 300 ans pour préparer son discours, ses actes... Bref, quand on vit.
(J'ai l'impression de faire ma Captain Obvious mais autant le préciser...)
Evidemment, on peut par ailleurs perpétuer la domination, en niant l'existence du patriarcat et/ou de la domination, on qu'on ne dit pas littéralement que "la domination c'est super dans certains domaines, par exemple le sayxe, les féministes elles sont trop connes de pas avoir compris que les femmes jouissent d'être dominées sexuellement (par les hommes of course), que c'est trop bien et que ça ne pose aucun problème".
Mais c'est tout autre chose, et je n'ai souvenir d'avoir entendu de tels discours chez les "pro sexe"
- note:
- Boudiou que je déteste cette appellation. Comme s'il était question de sexe. Mais bon, j'ai pas d'appellation miracle de mon côté.
- JezebelAncien⋅ne
- Messages : 2182
Date d'inscription : 18/07/2012
Re: Stratégies de survie au sein du patriarcat
25.06.13 11:27
Je suis d'accord avec toi quand tu dis que tout le monde y participe à des degré divers. Ca rejoint d'ailleurs ceci:
Mais justement parce que il s'agit d'aménagements qui ne changent pas le système, il y a donc perpetuation des oppressions.
Après, on est bien d'accord que l'on fait toutes comme on peut pour survivre, mais on peut le faire de manière lucide et sans mauvaise foi (au moins pour celles qui se revendiquent du féminisme) i.e. reconnaitre sa participation (volontaire ou non), essayer d'identifier les situations d'oppression (et elles sont nombreuses) et arrêter de foutre le moindre doute sous le tapis, de prétendre que non, non on est libre et que telle chose n'est pas une oppression, qu'on a fait un choix éclairé, etc.
C'est par contre un comportement que je retrouve dans beaucoup d'écrits et interviews (dsl, je ne fréquente pas de féministes IRL).
(désolée, j'ai rebondi sur un aspect de ton post, mais je pense être un peu à côté de la plaque, en fait )
Patriarchal bargaining is a tactic where a woman in a misogynistic culture reinforces the notion of men's superiority in order to get ahead (or sometimes just to survive).
According to Lisa Wade,
A patriarchal bargain is a decision to accept gender rules that disadvantage women in exchange for whatever power one can wrest from the system. It is an individual strategy designed to manipulate the system to one’s best advantage, but one that leaves the system itself intact.
Wade adds, "Don’t be too quick to judge; nearly 100% of women do this to some degree."
Mais justement parce que il s'agit d'aménagements qui ne changent pas le système, il y a donc perpetuation des oppressions.
Après, on est bien d'accord que l'on fait toutes comme on peut pour survivre, mais on peut le faire de manière lucide et sans mauvaise foi (au moins pour celles qui se revendiquent du féminisme) i.e. reconnaitre sa participation (volontaire ou non), essayer d'identifier les situations d'oppression (et elles sont nombreuses) et arrêter de foutre le moindre doute sous le tapis, de prétendre que non, non on est libre et que telle chose n'est pas une oppression, qu'on a fait un choix éclairé, etc.
C'est par contre un comportement que je retrouve dans beaucoup d'écrits et interviews (dsl, je ne fréquente pas de féministes IRL).
(désolée, j'ai rebondi sur un aspect de ton post, mais je pense être un peu à côté de la plaque, en fait )
- koAncien⋅ne
- Messages : 2496
Date d'inscription : 31/10/2011
Re: Stratégies de survie au sein du patriarcat
25.06.13 12:19
Je saurais pas trop quoi rajouter niveau théorique par rapport à vos deux intervention (idée de topic très intéressante au passage); je voulais juste voir ce qu'on fait dans notre quotidien au niveau de ces stratégies (bon, je prends un exemple plutôt léger // à d'autres auquel on pourrait penser pour ce genre de situation):
Dans mon cas, par exemple, je suis loin de dire à tout le monde mes idées politiques; dans une partie de mon milieu professionnel, ça me serait tout simplement dommageable. Ça ne veut pas dire que je me retrouve à faire ma machotte dans une partie de ma vie et pas dans l'autre, mais que je suis obligée (me sens obligée ?) de ne pas dire ce que je pense tout le temps, parce que ça demanderait souvent trop d'explications à faire, d'être combative alors que j'en ais pas forcément envie à ce moment là, et que je crains le regard des autres.
Alors d'un certain coté, je suppose que oui, j'entretiens le patriarcat en ne réagissant pas tout de suite au quart de tour ou en me faisant discrète, mais j'estime, pê à tort (en tout cas c'est comme ça que je le ressens) que j'ai pas à me sentir responsable du machisme de mon milieu, et ce, même si je n'ai pas forcément de réaction (enfin, je sais pas si ça rentre dans le sujet pile poil, mais bon...).
Alors pê que ça peut-être utile de dissocier responsabilité de la participation à l'oppression et participation à l'oppression?
Dans mon cas, par exemple, je suis loin de dire à tout le monde mes idées politiques; dans une partie de mon milieu professionnel, ça me serait tout simplement dommageable. Ça ne veut pas dire que je me retrouve à faire ma machotte dans une partie de ma vie et pas dans l'autre, mais que je suis obligée (me sens obligée ?) de ne pas dire ce que je pense tout le temps, parce que ça demanderait souvent trop d'explications à faire, d'être combative alors que j'en ais pas forcément envie à ce moment là, et que je crains le regard des autres.
Alors d'un certain coté, je suppose que oui, j'entretiens le patriarcat en ne réagissant pas tout de suite au quart de tour ou en me faisant discrète, mais j'estime, pê à tort (en tout cas c'est comme ça que je le ressens) que j'ai pas à me sentir responsable du machisme de mon milieu, et ce, même si je n'ai pas forcément de réaction (enfin, je sais pas si ça rentre dans le sujet pile poil, mais bon...).
Alors pê que ça peut-être utile de dissocier responsabilité de la participation à l'oppression et participation à l'oppression?
- Arrakis—
- Messages : 1803
Date d'inscription : 29/02/2012
Re: Stratégies de survie au sein du patriarcat
08.07.13 15:46
Bon, je sais pas vraiment quoi ajouter en fait (sinon que vos réponses sont bien intéressantes, et ne me semblent pas "à côté de la plaque" contrairement à ce que craint Jezebel).
Pour ma part j'ai souvent des techniques de défense "sexistes", parce que je n'en trouve pas de plus efficaces ou intuitives dans mon milieu ; en gros, j'ai régulièrement droit à des vannes, mi trollesques mi sérieuses, sur le fait que je sois "l'homme" de mon couple, et mon amant de cœur "la femme" ; et je réponds en "jouant le jeu", en insistant et ironisant sur ma grosse virilité et, occasionnellement, sa douce féminité, parce que c'est encore ce que j'ai trouvé de plus commode et de "moins pourri" comme réaction.
Du coup, on a :
- Dissocier responsabilité/causalité de la participation à l'oppression, et participation à l'oppression
- Ne pas nier le caractère ou contexte oppressif de telle situation, comportement et/ou stratégie
J'ajouterais, en "complément" :
- Ne pas céder au "mythe de la pureté", ce dernier étant dans le même temps
> l'idée que sa propre situation, et les choses qu'on apprécie, sont "déconnectées" de l'oppression, immaculées et sans reproche, que tout ça ne concerne que "Smith d'en face" (ce qui m'évoque pas mal d'écrits, et l'article à propos du Trône de Fer, intitulé "Just because you like it doesn't make it feminist".
> et l'idée qu'on fait tout "de travers" parce qu'on ne trouve pas le moyen d'exister et se comporter complètement en dehors de l'oppression, de réagir irréprochablement en permanence, de trouver une réponse parfaite à chaque situation...
J'ai diablement du mal à m'exprimer, vivement qu'on remplace la langue par la télépathie (ou pas, je suis pas sûre que ça soit plus facile).
Pour ma part j'ai souvent des techniques de défense "sexistes", parce que je n'en trouve pas de plus efficaces ou intuitives dans mon milieu ; en gros, j'ai régulièrement droit à des vannes, mi trollesques mi sérieuses, sur le fait que je sois "l'homme" de mon couple, et mon amant de cœur "la femme" ; et je réponds en "jouant le jeu", en insistant et ironisant sur ma grosse virilité et, occasionnellement, sa douce féminité, parce que c'est encore ce que j'ai trouvé de plus commode et de "moins pourri" comme réaction.
Du coup, on a :
- Dissocier responsabilité/causalité de la participation à l'oppression, et participation à l'oppression
- Ne pas nier le caractère ou contexte oppressif de telle situation, comportement et/ou stratégie
J'ajouterais, en "complément" :
- Ne pas céder au "mythe de la pureté", ce dernier étant dans le même temps
> l'idée que sa propre situation, et les choses qu'on apprécie, sont "déconnectées" de l'oppression, immaculées et sans reproche, que tout ça ne concerne que "Smith d'en face" (ce qui m'évoque pas mal d'écrits, et l'article à propos du Trône de Fer, intitulé "Just because you like it doesn't make it feminist".
> et l'idée qu'on fait tout "de travers" parce qu'on ne trouve pas le moyen d'exister et se comporter complètement en dehors de l'oppression, de réagir irréprochablement en permanence, de trouver une réponse parfaite à chaque situation...
J'ai diablement du mal à m'exprimer, vivement qu'on remplace la langue par la télépathie (ou pas, je suis pas sûre que ça soit plus facile).
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum