- AraignéeAncien⋅ne
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Date d'inscription : 02/09/2012
Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
26.02.14 6:14
Sur Face de Bouc, je suis abonnée au groupe d'Olivier Douville, "Anthropologie et psychanalyse". Bien sûr, contrairement à la plupart des gens qui y sont, je ne suis ni anthropologue, ni analyste, mais j'aime lire des choses intéressantes et m'ouvrir au monde.
Et là, je suis en train de lire ce texte :
http://africart.pagesperso-orange.fr/pages/etude2.htm#debut
Écrit par un chercheur africain, il dénonce le "paradigme de l'irrationnel explicitement en usage à propos des faits sacrés des sociétés traditionnelles ou archaïques et plus spécialement des sociétés africaines", et à travers des mythes sacrés africains, montre que le savoir, et même le savoir scientifique au sens où on l'entend en Europe, est bien présent dans ces mythes. Ne pas le voir, c'est passer à côté, dans un éternel comportement de "gans qui savent" face à la prétendue irrationalité des Africains...
Il va en fait encore plus loin que la réflexion que je me suis souvent faite "quand on parle de croyances africaines, on y colle le mot superstitions, alors que pour parler des croyances européennes, on parle de liberté de culte, de religion, voire de sciences (puisque les sciences sont aussi une façon particulière d'aborder le monde)".
Bref, je vais le lire en entier, et peut-être, ensuite, je reviendrai en parler (il est long, mais il vaut vraiment le coup !).
Et là, je suis en train de lire ce texte :
http://africart.pagesperso-orange.fr/pages/etude2.htm#debut
Écrit par un chercheur africain, il dénonce le "paradigme de l'irrationnel explicitement en usage à propos des faits sacrés des sociétés traditionnelles ou archaïques et plus spécialement des sociétés africaines", et à travers des mythes sacrés africains, montre que le savoir, et même le savoir scientifique au sens où on l'entend en Europe, est bien présent dans ces mythes. Ne pas le voir, c'est passer à côté, dans un éternel comportement de "gans qui savent" face à la prétendue irrationalité des Africains...
Il va en fait encore plus loin que la réflexion que je me suis souvent faite "quand on parle de croyances africaines, on y colle le mot superstitions, alors que pour parler des croyances européennes, on parle de liberté de culte, de religion, voire de sciences (puisque les sciences sont aussi une façon particulière d'aborder le monde)".
Bref, je vais le lire en entier, et peut-être, ensuite, je reviendrai en parler (il est long, mais il vaut vraiment le coup !).
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
26.02.14 7:47
Ah ben j'vais rejoindre le groupe tiens ^^
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
26.02.14 9:27
Je vais paraître dur, mais j'ai du mal avec ce qu'il écrit et je ne le sens pas franchement scientifique dans sa manière d'aborder la chose.
Il parle de l'anthropologie comme d'une science dont le but est de restaurer, maintenir, perpétuer et développer les traditions ancestrales. Ça n'est pas une position scientifique, c'est très idéologique.
De plus, passé le début, on commence à voir du concordisme apparaître, avec la volonté de faire passer les 8 dieux originels divisés en 4+4 et l'arche descendant en hélice pour des preuves de la compréhension de l'ADN et de ses 8 bases. Il y a des raccourcis à base de "l'esprit s'est incarné dans le corps", laissant supposer que l'esprit est une entité antérieur au corps, ce qui est également idéologique.
Notamment, quand il fait référence au système de Sirius, il l'utilise pour expliquer que la rotation de Sirius B autour de Sirius A était la référence de la "grande année" dans l'antiquité. Ok. Sauf que ce n'est pas 59 ans, mais 49ans. Et la "grande année" a des tailles variables, dépassant le million d'années chez les Indiens. Il y rajoute Sirius C, mais celle-ci est hypothétique, et on la considère comme une hypothèse sur... la base des Dogons.
La fin est, malheureusement, assez absurde
Nous savons, de source sur, que les connaissances astronomiques actuelles sont bien à peine équivalente (à savoir supérieures dans certains domaines mais inférieures dans d'autres) à celles des civilisations pré-colombiennes ou Africaines. Ça c'est un fait clairement établi, et il y a sans doute d'autres données qui nous échappe. Mais c'est, à mon sens, un texte pas scientifique que celui-ci, profondément idéologique et empreint de concordisme.
C'est dommage parce qu'il y a des points extrêmement intéressants, et la naissance de l'agriculture liée au culte des ancêtres paraît diablement probable. Ça vaut carrément le coup de comprendre ce qui a pris les premiers humains à enterrer leurs morts d'ailleurs.
Je suis d'accord sur le fait qu'on décrédibilise aisément les croyances autres qu’européennes, mais le concordisme, pour quelle que religion que ce soit, est violemment combattu parce que c'est une approche qui n'a rien de scientifique.
Mais... ouais, mitigé. C'était intéressant, et à la fois décevant.
Il parle de l'anthropologie comme d'une science dont le but est de restaurer, maintenir, perpétuer et développer les traditions ancestrales. Ça n'est pas une position scientifique, c'est très idéologique.
De plus, passé le début, on commence à voir du concordisme apparaître, avec la volonté de faire passer les 8 dieux originels divisés en 4+4 et l'arche descendant en hélice pour des preuves de la compréhension de l'ADN et de ses 8 bases. Il y a des raccourcis à base de "l'esprit s'est incarné dans le corps", laissant supposer que l'esprit est une entité antérieur au corps, ce qui est également idéologique.
Notamment, quand il fait référence au système de Sirius, il l'utilise pour expliquer que la rotation de Sirius B autour de Sirius A était la référence de la "grande année" dans l'antiquité. Ok. Sauf que ce n'est pas 59 ans, mais 49ans. Et la "grande année" a des tailles variables, dépassant le million d'années chez les Indiens. Il y rajoute Sirius C, mais celle-ci est hypothétique, et on la considère comme une hypothèse sur... la base des Dogons.
La fin est, malheureusement, assez absurde
Neurobiologie ? Biologie moléculaire ? C'est du concordisme pur jus.Ceux qui ont élaboré ce culte il y a au moins 5000 ans possédaient des connaissances de biologie moléculaire, de neurobiologie de l'esprit et de la conscience, de données astronomiques et astrophysique.
Nous savons, de source sur, que les connaissances astronomiques actuelles sont bien à peine équivalente (à savoir supérieures dans certains domaines mais inférieures dans d'autres) à celles des civilisations pré-colombiennes ou Africaines. Ça c'est un fait clairement établi, et il y a sans doute d'autres données qui nous échappe. Mais c'est, à mon sens, un texte pas scientifique que celui-ci, profondément idéologique et empreint de concordisme.
C'est dommage parce qu'il y a des points extrêmement intéressants, et la naissance de l'agriculture liée au culte des ancêtres paraît diablement probable. Ça vaut carrément le coup de comprendre ce qui a pris les premiers humains à enterrer leurs morts d'ailleurs.
Je suis d'accord sur le fait qu'on décrédibilise aisément les croyances autres qu’européennes, mais le concordisme, pour quelle que religion que ce soit, est violemment combattu parce que c'est une approche qui n'a rien de scientifique.
Mais... ouais, mitigé. C'était intéressant, et à la fois décevant.
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
26.02.14 9:47
- hs:
Nous savons, de source sur, que les connaissances astronomiques actuelles sont bien à peine équivalente (à savoir supérieures dans certains domaines mais inférieures dans d'autres) à celles des civilisations pré-colombiennes ou Africaines. Ça c'est un fait clairement établi
Je suis en train de lire le texte et je trouve qu'il y a des phrases vraiment fortes, en tout cas ça me fait réfléchir.
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
26.02.14 10:23
Tu as des références directes dans le texte, avec l'exemple des Dogons, un peuple qui a confirmé qu'il existait Sirius B avec Sirius A, et ce, des millénaires avant nous-mêmes. (Et le fait que, justement Sirius C reste une hypothèse)
On peut également faire référence à Neugebauer ("Les sciences exactes dans l’antiquité") qui considère que dès 400 avant Jésus Christ, les mésopotamiens pouvaient prédire les éclipses.
On a également le grandiose Stonehenge dont on est presque certain aujourd'hui que le site avait une fonction astronomique, même si on ne sait pas encore laquelle. Postins a postulé que c'était une représentation du système solaire.
Globalement, en fait, je ne crois pas qu'il y ait d'études de l'évolution de l'astronomie dans le monde, le travail risquant d'être monstrueux, mais j'ai toujours vu des données concernant le fait que les civilisations avaient des connaissances en astronomie qui se sont perdues avec le temps. Les temples Mayas sont généralement construits sur ces principes d'ailleurs.
On peut également faire référence à Neugebauer ("Les sciences exactes dans l’antiquité") qui considère que dès 400 avant Jésus Christ, les mésopotamiens pouvaient prédire les éclipses.
On a également le grandiose Stonehenge dont on est presque certain aujourd'hui que le site avait une fonction astronomique, même si on ne sait pas encore laquelle. Postins a postulé que c'était une représentation du système solaire.
Globalement, en fait, je ne crois pas qu'il y ait d'études de l'évolution de l'astronomie dans le monde, le travail risquant d'être monstrueux, mais j'ai toujours vu des données concernant le fait que les civilisations avaient des connaissances en astronomie qui se sont perdues avec le temps. Les temples Mayas sont généralement construits sur ces principes d'ailleurs.
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
26.02.14 10:28
- hs:
- Oui, si on remonte 2000 ans dans le temps (ou même juste 700 ans je pense), les connaissances en astrophysiques dans l'Europe actuelle sont vachement plus pauvres que celles de nombreuses autres sociétés. Mais il me semble que les connaissances actuelles en astrophysiques n'ont rien d'équivalent (dépassent largement) celles de toutes les autres civilisations auparavant...
- OmniiaAncien⋅ne
- Messages : 2909
Date d'inscription : 20/10/2012
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
27.02.14 13:33
Je n'ai pas lu le texte, je rebondis juste là-dessus :
Lagrange (sociologue) a écrit des trucs sur la neutralité scientifique adoptée par les chercheur-ses de Sciences Humaines lorsqu'il s'agit de croyances occidentales VS non occidentales. Il voit les choses un peu différemment :
Mais au fond, même si ça paraît contraire à ce que tu dis Araignée, ce que dit Lagrange peut en fait simplement en être une expression différente. Parce qu'en fait, je me demande à quel point cette "neutralité" des chercheurs-ses en Sciences Humaines concernant les croyances non occidentales n'est pas davantage l'expression d'une sorte de paternalisme pseudo-bienveillant envers certaines cultures que l'expression d'une réelle neutralité.
Je sais pas du tout si je suis claire
Araignée a écrit:Il va en fait encore plus loin que la réflexion que je me suis souvent faite "quand on parle de croyances africaines, on y colle le mot superstitions, alors que pour parler des croyances européennes, on parle de liberté de culte, de religion, voire de sciences (puisque les sciences sont aussi une façon particulière d'aborder le monde)".
Lagrange (sociologue) a écrit des trucs sur la neutralité scientifique adoptée par les chercheur-ses de Sciences Humaines lorsqu'il s'agit de croyances occidentales VS non occidentales. Il voit les choses un peu différemment :
D'après un ami en socio c'est assez vrai : s'il souhaite faire des recherches sur des croyances occidentales il va être suspecté d'être "farfelu", de ne pas être neutre, de croire à la croyance qu'il étudie. Ses profs vont se moquer de la croyance qu'il étudie et perdre du coup toute neutralité scientifique. Ce ne sera pas le cas s'il étudie des croyances non occidentales où là, aucune de ses profs, n'oserait se moquer des croyances en question.Pierre Lagrange a écrit:Dans un article publié dans L’Homme en 2001, Wiktor Stoczkowski16 raconte comment, au cours d’une table ronde réunissant des ethnologues, il a pu voir ces derniers s’« imposer le devoir de respect envers les cultures différentes de la nôtre » à l’écoute de plusieurs exposés jusqu’au moment où, écrit-il, « on en vint à la description de quelques innocentes pratiques de bourgeois parisiens adeptes du spiritisme ». « Cette fois-ci, poursuit-il, la communication provoqua des réactions différentes : de francs sourires illuminaient les faces de l’assistance et quelques bruyants éclats de rire se firent entendre dans la salle ». Voilà donc l’un des « marqueurs » dont nous avons besoin pour comprendre où s’arrête le domaine d’enquête des sciences sociales : les rires et les gesticulations des collègues. Si les croyances qui provoquent rires, gesticulations et finalement agacement des chercheurs en sciences sociales sont intéressantes, c’est parce que le rapprochement avec les savoirs scientifiques permet de rendre visible notre incapacité à remplir le programme de l’anthropologie, c’est-à-dire à étudier l’ensemble des discours et pratiques, qu’il s’agisse de croyances ou de sciences. Apparemment, les vols d’organes, le spiritisme ou la Vierge, ce n’est pas comme la magie Zandé, le chamanisme achuar17, ou les dieux égyptiens. Et le risque est grand de se faire traiter de sorcier18, de métapsychiste19 ou d’ufologue20 par des collègues saisis de gesticulations.
Mais au fond, même si ça paraît contraire à ce que tu dis Araignée, ce que dit Lagrange peut en fait simplement en être une expression différente. Parce qu'en fait, je me demande à quel point cette "neutralité" des chercheurs-ses en Sciences Humaines concernant les croyances non occidentales n'est pas davantage l'expression d'une sorte de paternalisme pseudo-bienveillant envers certaines cultures que l'expression d'une réelle neutralité.
Je sais pas du tout si je suis claire
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
27.02.14 14:56
Dans le même esprit, il y a des formes de médecine traditionnelle orientales qui jouissent d'une crédibilité de principe en tant que "savoir ancestral des padchénous", même si non-validées expérimentalement. A l'inverse, un praticien qui ouvrirait un cabinet en appliquant les principes de la théorie des humeurs (ou plus extravagant encore : un chinois ou un indien dans son propre pays) serait considéré comme un hurluberlu.
- OmniiaAncien⋅ne
- Messages : 2909
Date d'inscription : 20/10/2012
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
27.02.14 15:02
- HS:
- Je dirais que ça dépend du packaging. Cf. l'homéopathie qui n'est pas validée expérimentalement mais qui est très bien considérée, utilisée par des médecins ayant eu une formation scientifique et en partie remboursée.
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
27.02.14 15:19
- Spoiler:
- Pour l'homéopathie, je crois que l'espèce de conspiration du silence qui règne est liée à son caractère rentable. Des labos produisent, fournissent de l'emploi à des gens, l'économie tourne, la réalité scientifique pèse moins lourd que toutes ces considérations.
- InvitéInvité
Re: Le néo-colonialisme dans l'anthropologie
27.02.14 16:57
Hurluberlu : quand j'entends ou lis ce mot, je m'imagine un hibou un peu dingo (oui ce commentaire ne sert à rien XD).
Paraît qu'il a été reconstruit au début du XX siècle, peu de photos ont été prises à cette occasion, et que du coup, la forme qu'on connait n'est pas la forme réelle.Jonas a écrit:On a également le grandiose Stonehenge dont on est presque certain aujourd'hui que le site avait une fonction astronomique, même si on ne sait pas encore laquelle. Postins a postulé que c'était une représentation du système solaire.
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