La prostitution n'est pas un métier
+51
Durga
Administratrice
Tiffanny
GloriAnar
SkinnyFatGirl
once
Morgane Merteuil
Carol
Irja
Césarion
mamzelael
exno
Shams
Punktchen
Thémis Mnémosyne
Marie-Lou
Philibert
Nos désirs font désordre
sandrine
Lila78
LuxLisbon
Cylia
Lubna
Artémise
colcat
lazaregus
Omniia
Batou
anarchie
Epinie
GenieLambda
Yorghur
l'elfe
Calamité
babeil
mhysterie
ko
Berurier
Arrakis
akkana
Elfvy
Judy Squires
Jezebel
Grunt
Araignée
Lucha
Trompes De Fallope
Kalista
Poussin Machin
cleindo
pierregr
55 participants
Page 2 sur 33 • 1, 2, 3 ... 17 ... 33
- Judy Squires—
- Messages : 289
Date d'inscription : 21/05/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
03.09.12 10:04
Antisexisme a écrit:
Il y a point commun dans toutes les sociétés humaines du monde : les rapports sexuels n'ont pas lieu en public, ils font partie de l'intimité...
En fait juste non. Dans les sociétés européennes médiévales, dans les couches pauvres de la population, qui dormaient fréquemment dans de grandes salles "publiques" (type grange appartenant à des institutions religieuses etc.), il était courant d'avoir des rapports sexuels ailleurs que "dans l'intimité" (d'ailleurs, c'est plutôt le contraire qui était rare). On pourrait ajouter des exemples de sociétés "exotiques" aussi (par exemple il me semble que dans certaines populations étudiées par Margaret Mead en Micronésie cette notion d'intimité ne fonctionnerait pas).
Je crois que plus largement, il n'est pas inutile de se souvenir que cette idée d'intimité est tout de même très indexée sur les formes "modernes" de la famille nucléaire, qui sont loin d'être très anciennes, et pas forcément sans lien avec l'expansion du capitalisme...
- GruntBanni·e
- Messages : 2074
Date d'inscription : 27/09/2011
Re: La prostitution n'est pas un métier
03.09.12 18:42
Oui, comme les diagnostics médicaux ou la défécation, par exemple. Pourtant on a un rapport très particulier à la sexualité, un rapport qui va au-delà de cette question de pudeur. Ça se voit particulièrement dans la législation concernant les mineurs : une relation sexuelle avec un mineur de 15 ans est en soi illégale, alors que toute autre interaction potentiellement dangereuse (sport, par exemple) sera traitée au cas par cas en fonction de ses conséquences réelles.Antisexisme a écrit:Il y a point commun dans toutes les sociétés humaines du monde : les rapports sexuels n'ont pas lieu en public, ils font partie de l'intimité...Grunt a écrit:Plop, j'aimerais revenir sur le sujet :Oui, mais :Antisexisme a écrit:
On vit dans un monde où la sexualité revêt un sens très particulier... Du moment qu'un rapport sexuel ne sera pas aussi banal qu'un massage, on ne peut pas considérer la prostitution comme un métier comme un autre.
- est-ce que le problème n'est pas dans ce rapport particulier à la sexualité ?
- est-ce que la prostitution et sa banalisation (le fait de la traiter comme un travail parmi d'autre) ne peuvent pas permettre de dé-dramatiser le statut de la sexualité ?
Tu penses qu'il y a quelque chose d'inné qui ferait de la sexualité une activité "à part" ? Peut-être, hein.
La sexualité est un domaine que notre société a toujours prétendu contrôler, et je vois dans cette volonté d'abolition de la prostitution un avatar supplémentaire de cette prise de contrôle. Surtout si elle passe par une pénalisation aveugle des clients, et non par le traitement au cas par cas de chaque situation de prostitution (les personnes prostituées ayant des vécus et des situations différentes).
Et ça ne serait pas lié au statut particulier de la sexualité, en général ?
Dans tous les cas, que ce soit en Allemagne, aux Pays-Bas, dans certains comtés d'Australie, etc, où la prostitution est réglementée tel un métier comme un autre, je ne crois pas que pour l'instant la sexualité soit devenue une activité comme une autre, qui aurait perdu son côté intime... Et les prostitué-e-s sont toujours aussi stigmatisées.
De plus, cette stigmatisation prend une forme concrète en France : difficultés pour ouvrir un compte en banque ou louer un logement. Est-ce que la pénalisation des clients (stratégie actuelle des abolitionnistes) va y changer quelque chose ?
Pourtant, la plupart des prostituées insistent sur l'existence de règles stricts (pas de baiser, préservatif obligatoire) qui font une grande différence avec une totale disponibilité, et qui font même une différence avec un rapport spontané basé sur le désir mutuel.
En plus, la prostitution ne correspond pas à un rapport sexuel classique, puisqu'il a souvent recherche d'un rapport de domination, d'une disponibilité totale de la prostituée au prostitueur.
Il y a même une offre prostitutionnelle de domination, donc à l'inverse de cette dénonciation d'un "rapport de domination" de la prostituée par le client. Et des prostituées offrant de se soumettre, c'est très rare.
C'est peut-être le fait de changer de pratiques, de changer de type de rapport, qui intéresse les clients ?
Les proxénètes, comme la pauvreté, imposent ce rapport au corps à certaines prostituées, pas à toutes.Antisexisme a écrit:Oui, enfin, faudrait peut-être pas inverser les choses... Pour le moment, c'est les proxénètes et/ou la pauvreté, et la société en validant cela, qui impose un certain rapport au corps à des personnes...Grunt a écrit:Finalement c'est (ce devrait être) une question de choix personnel, cette place qu'on accorde à la sexualité. Je trouve paradoxal de considérer comme une lutte féministe la volonté d'imposer à toute la société un certain rapport à son corps (plutôt qu'un autre), alors que jusqu'ici toutes les luttes féministes ont au contraire consisté au contraire à libérer les femmes de l'emprise de la société.
Quand je parle de société je veux dire l'état, la loi. Qui me semblent avoir un pouvoir de coercition et de nuisance bien supérieur à la mentalité des gens ou aux pressions sociales.
Et je me méfie comme la peste d'un discours politique (donc, qui veut déboucher sur des lois, sur des contraintes) s'appuyant sur un ressenti, s'il n'y a pas un travail de mise à plat et de rationalisation derrière. On sort tout juste de 5 ans d'une politique basée sur ce que ressentent les gens (la colère, la peur, la haine, la honte..) et on a pu voir à quel point c'est inefficace et dangereux. L'émotion, le ressenti individuel doivent toujours pousser à une réflexion (et c'est le cas dans le féminisme, globalement) si on veut en déduire une ligne de conduite qui va s'appliquer à toute une société.Antisexisme a écrit:Je te l'ai déjà dit sur Twitter, mais je reprends :Grunt a écrit:D'ailleurs, le discours abolitionniste s'appuie bien trop souvent sur le sens commun, sur le ressenti, pour susciter l'adhésion : témoignages de prostituées, évocation de la violence..
- toutes les théories féministes s'appuient sur le ressenti des femmes, y compris les théories sur le viol. C'est en écoutant les femmes, que les féministes ont élaborée des théories.
Bon, je vais lire ça.Antisexisme a écrit:
- il y a d'innombrables auteur-e-s abolitionnistes qui apportent des arguments absolument intéressants : Dworkin, Pateman, Marie-Victoire Louis etc. Ce weekend-end j'ai lu un texte fondateur de l'abolitionnisme, "Propos élémentaires sur la prostitution". Je l'ai trouvé excellent.
- si tu veux des études, il y en a pleins sur le site http://www.prostitutionetsociete.fr/ . Ce n'est pas parce que le Strass dit que c'est bidon que ça l'est réellement.... Des deux côtés, il y a des études, et des côtés les gens disent que les études soutenant les autres sont bidons. Donc, bon.
Je ne retrouve pas.. j'ai peut-être confondu avec un article au sujet de la pornographie (qui est effectivement proche de la prostitution), et qui établissait un lien entre le fait de regarder de la pornographie, et l'adhésion aux mythes sur le viol.Antisexisme a écrit:Ca m'intéresserait assez d'avoir ces études... si tu en as des intéressantes, je suis prenantes.Grunt a écrit:
Il y a pourtant des travaux intéressants sur, par exemple, le lien entre "culture du viol" et achat de services prostitutionnels, des recherches scientifiques, rationnelles, sur l'effet de la prostitution sur les sex workers et les client-e-s, mais ça passe au second plan, alors que ce sont pour le coup des matériaux objectifs.
Si on démontre par ailleurs un lien entre mythes sur le viol, et propension à commettre des agressions sur les femmes, ça fournit un argument objectif et recevable pour réguler la pornographie.
Et c'est ce qui, à mes yeux, manque cruellement au discours abolitionniste : des études démontrant que A implique B, B implique C, C n'est pas souhaitable, donc il faut s'inquiéter de A.
Certes, un discours d'une ex-prostituée expliquant qu'elle en a bavé, c'est un témoignage humain à écouter, car tout humain qui témoigne d'un vécu éprouvant mérite le respect et l'attention. Mais ça ne saurait constituer un argument politique.
Parce que la science est faite majoritairement par des hommes (donc, biaisée), ou à cause de sa démarche en elle-même ?Antisexisme a écrit:
Ceci dit, et bien que j'ai un blog basée sur une démarche scientifique, je crois qu'il faut bien souligner que la démarche scientifique n'est pas la seule valable. L'aspect objectif/subjectif, ainsi que la prétention que la science est la seule source valable de savoirs, a été très critiqué par les féministes.
Plus généralement, et hors de ces questions/réponses : L'idée de vouloir modifier la mentalité des gens, de vouloir influencer volontairement et pour des raisons politiques ce qu'ils pensent, me dérange énormément. J'ai une sensibilité plutôt libérale, je pense que les individus sont responsables de leurs actes et disposent (doivent disposer, si ce n'est pas le cas) des informations permettant de faire des choix.
Du coup, une partie du discours féministe et abolitionniste qui explique que l'existence de la prostitution fait partie d'un système de pensée qui implique une perception dégradante des femmes et de leur corps, ça me "glisse" dessus. C'est peut-être vrai, il y a peut-être des phénomènes sociologiques, une pensée globale, parce que les gens sont des moutons, sont influençables, mais ça me fait suer qu'on envisage de taper de façon bourrine sur la libertés d'individus (les clients, les prostituées) sous prétexte que plein de gens ne réfléchissent pas. Quand il s'agit de discriminations bien plus évidentes (les "jouets pour fille" par exemple) il n'y a plus de gouvernement ou d'association qui se batte contre, parce qu'il ne s'agit plus d'envoyer en garde à vue un individu lambda qui va aux putes entre chien et loup, mais de s'attaquer à des entreprises puissantes. Idem pour l'angle d'attaque choisi contre la prostitution : c'est bien plus facile d'emmerder les clients (qui ne sont pas en mesure de se défendre, de s'afficher publiquement, de se constituer en association, étant donné la mauvaise image associée à l'achat de services prostitutionnels), que de faire des enquêtes compliquées pour faire le tri entre la prostitution libre et la prostitution contrainte.
Du coup, je m'interroge encore pour savoir de "quel côté" sont les abolitionnistes.
Du côté de l'état flic, l'état morale, qui décide de la sexualité des gens et sait mieux qu'eux ce qui est bon pour eux (les consommateurs de cannabis sont aliénés malgré eux, les prostituées du STRASS sont aliénées malgré elles..), qui s'associe avec la religion (le "Mouvement du Nid" est d'inspiration catholique) pour décider d'une "morale publique" et de la façon dont les gens doivent vivre ?
Ou bien du côté des opprimé-e-s, des victimes ?
On critique le peu de représentativité du STRASS (qui regroupe majoritairement des hommes, et des prostituées "de luxe" ne correspond pas à la réalité vécue par la plupart des prostituées), mais qu'en est-il des abolitionnistes ? Qui sont ces gens qui souhaitent voir la disparition de la prostitution ?
- InvitéInvité
Re: La prostitution n'est pas un métier
03.09.12 21:06
Je vais pas répondre point par point parce que ça serait trop long, mais en essayant d'aller à l'essentiel.
Tout simplement parce que les prostituées et leurs clients sont des personnes qui vivent dans notre société aujourd'hui, et pas dans une future (et hypothétique) société idéale. Si on suivait ce raisonnement jusqu'au bout, on pourrait aussi supprimer le fait que les violences sexuelles soient plus sévèrement réprimées que les autres types de violence.
Je ne pense pas que la prostitution telle qu'elle existe aujourd'hui, c'est-à-dire dans un système sexiste largement violent envers les prostituées, ait le moindre potentiel de faire évoluer les choses au niveau désacralisation (saine) du sexe.
Je sais pas, mais je suis assez persuadé (surtout un sentiment personnel, j'ai pas forcément d'analyse super poussée à l'appui) que le statut « à part » de la sexualité est en grande partie socialement construit. Que ça soit juste en grande partie ou totalement n'a pas grande importance ici, dans le sens où même en admettant ceci, je ne penses pas que ça entraîne les conclusions que tu en tires au sujet de la prostitution.Grunt a écrit:Tu penses qu'il y a quelque chose d'inné qui ferait de la sexualité une activité "à part" ? Peut-être, hein.
Tout simplement parce que les prostituées et leurs clients sont des personnes qui vivent dans notre société aujourd'hui, et pas dans une future (et hypothétique) société idéale. Si on suivait ce raisonnement jusqu'au bout, on pourrait aussi supprimer le fait que les violences sexuelles soient plus sévèrement réprimées que les autres types de violence.
Je ne pense pas que la prostitution telle qu'elle existe aujourd'hui, c'est-à-dire dans un système sexiste largement violent envers les prostituées, ait le moindre potentiel de faire évoluer les choses au niveau désacralisation (saine) du sexe.
Re: La prostitution n'est pas un métier
03.09.12 21:51
@Grunt, voici ce que Lora disait sur FB à propos de l'abolitionnisme
Sur son blog, elle a écrit un article intitulé "les Abolitionnistes et proprostitution, nous ne parlons pas de la même chose"
http://enquelquesorte.blogspot.be/2012/09/abolitionnistes-et-proprostitution-nous.html
Sinon, les abos sont en grande majorité des femmes féministes, il y a aussi qq hommes (voir le réseau zéromacho) mais ils sont très peu nombreux. Quant à savoir qui illes sont, je n’en sais pas plus. D’après ce que je peux lire, ce sont tout de même des personnes avec un certain bagage intellectuel, j’ai rencontré assez peu d’abos parmi les gens moins instruits mais c’est peut-être un hasard ?
Et ici : http://sandrine70.wordpress.com/2012/09/03/abolition-de-la-prostitution-limposture-mediatique/
une réponse au "philosophe" Dominique Noguez qui s'est fendu d'un billet sur "le monde" où il traite les abos de réac et parlent carrément d'inquisition. J'hallucine. Le lien vers l'article du monde est sur le blog de Sandrine.
Ici : http://stopauxviolences.blogspot.fr/2012/09/article-de-muriel-salmona-en-reponse.html
un article de Muriel Salmona qui accompagne les victimes de violence en tous genres depuis 20 ans et qui a rencontré de nombreuses prostituées traumatisées.
on ne peut pas envisager la prostitution en termes de choix individuel, c'est un système mondial d’exploitation sexuelle des femmes (et des enfants). Organiser pour les hommes l'accès sexuel à des femmes, c'est appeler la traite, parce que les prostituées indépendantes sont l'infime minorité et ne suffiraient pas à la demande (et en plus, la plupart des acheteurs s'en tapent de la contrainte extérieure, quand ils ne préfèrent pas...)organiser la prostitution, c'est dire qu'il y a des femmes "pour ça", des femmes à qui le statut d'être humain désirant et jouissant est enlevé. C'est dire que chaque femme est prostituable (il suffit de pas de chance, de pas d'argent...).C'est dire que c'est un droit de l'homme (masculin) d'avoir des corps de femmes à disposition. Etre abolitionniste, ce n'est pas du paternalisme envers les prostituées indépendantes (1 à 3 %), c'est de la justice pour les femmes : l'intimité ne peut pas être sur le marché. Le privé ne peut être public.
Sur son blog, elle a écrit un article intitulé "les Abolitionnistes et proprostitution, nous ne parlons pas de la même chose"
http://enquelquesorte.blogspot.be/2012/09/abolitionnistes-et-proprostitution-nous.html
Sinon, les abos sont en grande majorité des femmes féministes, il y a aussi qq hommes (voir le réseau zéromacho) mais ils sont très peu nombreux. Quant à savoir qui illes sont, je n’en sais pas plus. D’après ce que je peux lire, ce sont tout de même des personnes avec un certain bagage intellectuel, j’ai rencontré assez peu d’abos parmi les gens moins instruits mais c’est peut-être un hasard ?
Et ici : http://sandrine70.wordpress.com/2012/09/03/abolition-de-la-prostitution-limposture-mediatique/
une réponse au "philosophe" Dominique Noguez qui s'est fendu d'un billet sur "le monde" où il traite les abos de réac et parlent carrément d'inquisition. J'hallucine. Le lien vers l'article du monde est sur le blog de Sandrine.
Ici : http://stopauxviolences.blogspot.fr/2012/09/article-de-muriel-salmona-en-reponse.html
un article de Muriel Salmona qui accompagne les victimes de violence en tous genres depuis 20 ans et qui a rencontré de nombreuses prostituées traumatisées.
- GruntBanni·e
- Messages : 2074
Date d'inscription : 27/09/2011
Re: La prostitution n'est pas un métier
03.09.12 23:37
Ça tombe bien, tu développes précisément le point où je veux en venir.Numa a écrit:Je vais pas répondre point par point parce que ça serait trop long, mais en essayant d'aller à l'essentiel.
Juste, mais tu raisonnes dans un contexte où la société serait "monobloc". Ce qui me dérange, très précisément, c'est que l'abolitionnisme déduise une règle absolue (par exemple, pénaliser tous les clients) à partir d'une situation majoritaire (la majorité des prostituées sont contraintes). Au lieu de traiter chaque situation au cas par cas, de démanteler les réseaux de trafic humain, d'enquêter.. il faut parfois accepter de descendre dans la complexité du réel, non ?Numa a écrit:Je sais pas, mais je suis assez persuadé (surtout un sentiment personnel, j'ai pas forcément d'analyse super poussée à l'appui) que le statut « à part » de la sexualité est en grande partie socialement construit. Que ça soit juste en grande partie ou totalement n'a pas grande importance ici, dans le sens où même en admettant ceci, je ne penses pas que ça entraîne les conclusions que tu en tires au sujet de la prostitution.Grunt a écrit:Tu penses qu'il y a quelque chose d'inné qui ferait de la sexualité une activité "à part" ? Peut-être, hein.
Tout simplement parce que les prostituées et leurs clients sont des personnes qui vivent dans notre société aujourd'hui, et pas dans une future (et hypothétique) société idéale. Si on suivait ce raisonnement jusqu'au bout, on pourrait aussi supprimer le fait que les violences sexuelles soient plus sévèrement réprimées que les autres types de violence.
Du coup, l'abolition me paraît avoir un effet pervers de "punition de la différence" : parce qu'il existe des prostituées contraintes, on va priver de leur gagne-pain celles qui l'ont choisi (et qui, dans le contexte actuel, ont eu le courage de le choisir). Autrement dit, l'abolition va avoir un effet retord sur les gens qui remettent en cause la société, qui prouvent par exemple que "prostitué-e" n'est pas obligatoirement synonyme de "victime", alors que ce sont ces gens qui montrent justement le chemin d'un changement de mentalités.
Ça me rappelle un texte cité ici par Déconstruire, qui dit :
Ben justement, on devrait en avoir quelque chose à foutre quand des gens avec un QI de 115 proposent une solution intelligente à un problème, au moment où on envisage de jeter le bébé avec l'eau du bain et de condamner définitivement une porte parce que la société gère très mal une activité.Qu'est-ce qu'on en a à foutre, dans ce contexte, si deux ou trois geeks tatoués du club de théâtre, au QI de 115 et adorateurs de zombies pensent qu'ils ont trouvé un moyen de faire une vidéo de deux personnes qui baisent n'impliquant pas que la femme soit traitée de pute ?
Pour rappel, la définition elle-même de la prostitution (rapport sexuel tarifé) n'implique pas nécessairement de sexisme, ni de violence, ni de contrainte.
Enfin, je trouve assez douteux que le discours abolitionniste s'inquiète davantage de l'impact de l'abolition sur les clients, que sur les prostitué-e-s. L'argument mis en avant est un changement de mentalité chez les clients, chez les hommes, et dans l'ensemble de la société, une vision différente des femmes et de leur corps. Ok. Et l'impact sur les prostituées, si en devenir client est illégal ? Dans les situations très dures, très violentes, où des femmes victimes de violences dans leur enfance sont en décalage avec la société, handicapées par leurs traumatismes, consomment des drogues et financent leur consommation par la prostitution, ça donne quoi si on enlève le financement ?
On va leur trouver des structures d'accueil où on leur apprendra à faire un boulot "comme les autres", à se "désintoxiquer" (i.e. à se droguer comme les gens normaux, avec la TV, le tabac et l'alcool) ? Très bien, mais qu'est-ce qui empêche de leur proposer cette porte de sortie dès maintenant ? Et si elles la rejettent, n'est-ce pas sournois de les placer dans une situation où on les contraint à chercher l'aide du système en coupant leur source de revenus ?
Autrement dit, quelle mesure abolitionniste peut prétendre aider les prostituées d'une façon qui est impossible sans abolition ?
Du coup j'ai franchement l'impression d'une vision moraliste (on va interdire aux hommes de penser que le sexe peut s'acheter), plutôt que d'une volonté sincère d'aide (qui s'intéresserait aux conséquences pour les prostituées de telle ou telle mesure).
Enfin, j'ai une question : la réalité ne faisant rien qu'à ne pas être binaire, où s'arrête la prostitution ? Il n'y a pas, d'un côté, des relations purement vénale (sexe contre argent) et de l'autre des relations purement gratuites (sans aucune considération financière). Autrement dit, des schémas où une partie de la séduction, du consentement, est obtenu par l'argent ou par une démonstration de richesse, sont monnaie courante. La petite amie d'un dealer qui reste avec lui parce qu'il la fournit gratuitement, la jeune fille en boîte de nuit impressionnée par le gars qui a garé une voiture de luxe sur le parking, la femme qui considère normal que l'homme qui l'invite au restaurant paie la note, et qui est disposée dans ce contexte à coucher avec lui même s'il lui plaît moyennement, sont-elles dans une relation de prostitution ?
- JezebelAncien⋅ne
- Messages : 2182
Date d'inscription : 18/07/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 3:02
Et quand ce sont des prostituées ou des ex-prostituées qui réclament elle-même l'abolition, on fait quoi?
Egalement, tu considères donc normal que des personnes achètent du sexe au mépris de la personne qui en fait commerce et donc normal qu'il y ait des personnes pour fournir ces presations, qu'elles sont nécessaires?
Pour tes derniers exemples, oui, ont peut probablement faire un parallèle avec la prostitution, ce qui met bein en relief le caractère sexiste de celle-ci.
Quant à la liberté de choix absolue, je pense que c'est complètement utopique et illusoire. Nous sommes tous soummis à de fortes pressions sociales dont nous avons plus ou moins conscience. Assumer que tout le monde est libre et donc responsable de ces actes est pour moi se désolidariser des individus en détresse. C'est d'ailleurs la mentalité qui prévaut aux USA et on ne peut pas dire que ce soit une société idéale (ma notre non plus j'entends bien).
Pour finir, j'avoue que je suis vraiment fatiguée de lire, encore et encore, les même accusations de moralisation. En quoi vouloir une situation plus juste est moralisant, exactement?
Egalement, tu considères donc normal que des personnes achètent du sexe au mépris de la personne qui en fait commerce et donc normal qu'il y ait des personnes pour fournir ces presations, qu'elles sont nécessaires?
Pour tes derniers exemples, oui, ont peut probablement faire un parallèle avec la prostitution, ce qui met bein en relief le caractère sexiste de celle-ci.
Quant à la liberté de choix absolue, je pense que c'est complètement utopique et illusoire. Nous sommes tous soummis à de fortes pressions sociales dont nous avons plus ou moins conscience. Assumer que tout le monde est libre et donc responsable de ces actes est pour moi se désolidariser des individus en détresse. C'est d'ailleurs la mentalité qui prévaut aux USA et on ne peut pas dire que ce soit une société idéale (ma notre non plus j'entends bien).
Pour finir, j'avoue que je suis vraiment fatiguée de lire, encore et encore, les même accusations de moralisation. En quoi vouloir une situation plus juste est moralisant, exactement?
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 7:50
@Grunt, tu n'as manifestement pas été lire les liens que j'ai indiqués car la plupart des questions que tu te poses y trouvent réponse.
D’autre part, la pénalisation a montré ses effets dans des enquêtes : la plupart des clients potentiels disent que s’ils risquent une amende ou la prison, ils arrêteront d’être clients. C'est triste mais c'est comme ça.
C’est comme la vitesse limitée sur autoroute, les gens ne la respectent que s’il y a amendes et points de permis retirés en cas d’excès. Pourtant, il y a sûrement des circonstances où rouler vite avec une voiture adaptée et une personne sachant très bien conduire n’est pas un danger. Mais OSEF, on flashe tout le monde et c’est le même prix pour chacun-e. On attente aussi à la liberté de ces gens-là non ? Il n'y a pas de "au cas par cas" pour eux mais qui s'en émeut ? Alors pourquoi du "cas par cas" pour la prostitution ?
Il faut toujours voir l’intérêt commun au-delà de l’intérêt individuel, sans quoi, c’est l’anarchie (pas au sens politique du terme).
D’autre part, la pénalisation a montré ses effets dans des enquêtes : la plupart des clients potentiels disent que s’ils risquent une amende ou la prison, ils arrêteront d’être clients. C'est triste mais c'est comme ça.
C’est comme la vitesse limitée sur autoroute, les gens ne la respectent que s’il y a amendes et points de permis retirés en cas d’excès. Pourtant, il y a sûrement des circonstances où rouler vite avec une voiture adaptée et une personne sachant très bien conduire n’est pas un danger. Mais OSEF, on flashe tout le monde et c’est le même prix pour chacun-e. On attente aussi à la liberté de ces gens-là non ? Il n'y a pas de "au cas par cas" pour eux mais qui s'en émeut ? Alors pourquoi du "cas par cas" pour la prostitution ?
Il faut toujours voir l’intérêt commun au-delà de l’intérêt individuel, sans quoi, c’est l’anarchie (pas au sens politique du terme).
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 8:59
A propos de préservatif, j’ai déjà lu plusieurs témoignages de prostituées disant que les hommes tentent de l’enlever lors d’une levrette par exemple, sans qu’elles ne s’en rendent compte. Et certains veulent payer bcp plus pour le faire sans et si la femme a vraiment besoin d’argent, elle va peut-être accepter et risque alors de choper des IST. Toujours la loi du plus fort face aux faibles.
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 10:07
Pour rebondir sur "la loi du plus fort" et puisque vous mettez plein de liens (donc je me sens moins coupable de ne pas expliquer par moi-même), je voulais rajouter ce texte sur la notion de consentement.
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2731
Voilà quelques passages qui expliquent comment "les plus forts" se sert de la "liberté" pour oppresser (ici, en utilisant la notion de consentement)
Depuis quelques mois, j'ai donc ce mot en horreur. De toute façon on a pas besoin de la notion de consentement pour savoir si une chose est acceptable ou non
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2731
Voilà quelques passages qui expliquent comment "les plus forts" se sert de la "liberté" pour oppresser (ici, en utilisant la notion de consentement)
le terme « consentement » est un terme évoqué par les hommes (ou les groupes sociaux dominants) pour se déculpabiliser d’un geste oppressant envers les femmes (ou les groupes sociaux dominés
Après avoir été valorisé comme un moyen de défense contre le pouvoir des plus forts et avoir été considéré comme l’expression de l’autonomie personnelle, le consentement se transforme en un moyen d’oppression servant à justifier des attitudes violentes et possessives qui tirent parti des fragilités et des failles des êtres humains
Depuis quelques mois, j'ai donc ce mot en horreur. De toute façon on a pas besoin de la notion de consentement pour savoir si une chose est acceptable ou non
- akkana—
- Messages : 344
Date d'inscription : 29/08/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 10:24
Et l'impact sur les prostituées, si en devenir client est illégal ? Dans les situations très dures, très violentes, où des femmes victimes de violences dans leur enfance sont en décalage avec la société, handicapées par leurs traumatismes, consomment des drogues et financent leur consommation par la prostitution, ça donne quoi si on enlève le financement ?
On va leur trouver des structures d'accueil où on leur apprendra à faire un boulot "comme les autres", à se "désintoxiquer" (i.e. à se droguer comme les gens normaux, avec la TV, le tabac et l'alcool) ? Très bien, mais qu'est-ce qui empêche de leur proposer cette porte de sortie dès maintenant ? Et si elles la rejettent, n'est-ce pas sournois de les placer dans une situation où on les contraint à chercher l'aide du système en coupant leur source de revenus ?
C'est pas la première fois que je lis ce genre de chose que je trouve plus que révoltante.
Ca ferait limite passer les clients et les proxénètes pour des bienfaiteurs qui permettent aux prostituées d'avoir une source de revenus alors qu'elles seraient perdues sans eux. Si les clients sont si inquiets du sort des prostituées et pensent qu'elles ont besoin de leur argent pour vivre, qu'ils leur donnent gratuitement sans exiger le droit de les violer en retour!
- InvitéInvité
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 10:34
Bon, déjà je m'associe pas mal aux remarques précédentes, surtout sur un point : plusieurs de tes arguments ne sont pas spécifiques à la prostitution et pourraient se transposer à presque toute situation où une loi intervient. Les phrases de Marx et Lacordaire citées par Antisexisme me semblent particulièrement pertinentes dans le contexte de la prostitution.
Un point par contre où je partage ta vision des choses, c'est qu'à mon avis, la prostitution n'est pas une violence par nature mais seulement dans le contexte social actuel (et bien d'autres contextes sociaux passés, évidemment), et effectivement c'est un truc qui me gêne dans certains discours abos. Maintenant, j'avoue que je me demande de plus en plus ce que ça change concrètement pour la majorité des prostituées, des clients et du reste de la société aujourd'hui (et là je change d'avis assez souvent encore).
À part ça, concrètement ça fait quelques siècles que la prostitution existe, et j'ai pas l'impression qu'elle ait franchement été un moteur d'évolution de la société, ni vers moins de sexisme, ni vers une libération sexuelle. Je vois mal par quelle miracle elle deviendrait une grande force subversive maintenant.Grunt a écrit:Autrement dit, l'abolition va avoir un effet retord sur les gens qui remettent en cause la société, qui prouvent par exemple que "prostitué-e" n'est pas obligatoirement synonyme de "victime", alors que ce sont ces gens qui montrent justement le chemin d'un changement de mentalités.
Un point par contre où je partage ta vision des choses, c'est qu'à mon avis, la prostitution n'est pas une violence par nature mais seulement dans le contexte social actuel (et bien d'autres contextes sociaux passés, évidemment), et effectivement c'est un truc qui me gêne dans certains discours abos. Maintenant, j'avoue que je me demande de plus en plus ce que ça change concrètement pour la majorité des prostituées, des clients et du reste de la société aujourd'hui (et là je change d'avis assez souvent encore).
- GruntBanni·e
- Messages : 2074
Date d'inscription : 27/09/2011
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 12:09
En quoi le fait de pénaliser leurs clients changera quelque chose ?Jezebel a écrit:Et quand ce sont des prostituées ou des ex-prostituées qui réclament elle-même l'abolition, on fait quoi?
Si elles peuvent, maintenant, sortir de la prostitution, pénaliser leurs clients n'y changera rien.
Si elles ne peuvent pas en sortir (pas d'autre choix), pénaliser leurs clients les mettra encore plus dans la merde.
Dans les deux cas, je ne vois pas l'intérêt de pénaliser les clients. Et je ne comprends pas pourquoi l'abolitionnisme s'intéresse en détail à la pénalisation du client, alors que les mesures pour aider à sortir de la prostitution ne sont pas mises en avant.
Concrètement, quelles structures d'accueil, quelles sources de revenus, quelles formations pour les prostituées qu'on veut faire sortir de la prostitution ?
Pourquoi ne pas mettre en place ce qu'il faut pour permettre à celles qui veulent en sortir, de le faire ?
Et pourquoi em**der celles qui se constituent en syndicat et ne demandent pas à sortir de la prostitution, mais à avoir les mêmes droits que d'autres travailleurs ? À quoi servira de pénaliser les clients de prostituées qui revendiquent le fait de se prostituer ? On protège qui dans ce cas ?
Je trouve ça délirant comme logique.
On s'inquiète d'abord de rendre impossible la prostitution, avant de permettre d'en sortir.
"au mépris". Toujours ce discours teinté de moralisme, que je retrouve également dans les liens postés par pierregr : "contrainte", "exploitation", "violence" pour désigner toute la prostitution.
Egalement, tu considères donc normal que des personnes achètent du sexe au mépris de la personne qui en fait commerce et donc normal qu'il y ait des personnes pour fournir ces presations, qu'elles sont nécessaires?
Il existe des cas où le rapport est inversé, trouvé ici :
Pour tes derniers exemples, oui, ont peut probablement faire un parallèle avec la prostitution, ce qui met bein en relief le caractère sexiste de celle-ci.
Donc oui je m'appuie sur le cas majoritaire (prostitution de femmes) car c'est le plus parlant et le premier qui vient à l'esprit.Christine Salmon montre par exemple comment les jeunes hommes sénégalais qui proposent à des Françaises de plus de 50 ans des prestations sexuelles en échange de cadeaux (voiture, maison, mandats) échappent à la dénomination de prostitués.
Mais ce sexisme dans la prostitution se retrouve dans bien d'autres métiers (où les rôles de prestataire et de client peuvent être affectés de façon quasi exclusive à un genre. Je ne connais pas beaucoup de dealeuses de drogues illégales, par exemple).
Du coup, je trouve que ça ressemble à un parti pris de considérer que la prostitution est un phénomène de nature sexiste, au lieu d'y voir un phénomène influencé par le sexisme de la société.
Totalement d'accord. Et c'est le cas pour tout le monde.
Quant à la liberté de choix absolue, je pense que c'est complètement utopique et illusoire. Nous sommes tous soummis à de fortes pressions sociales dont nous avons plus ou moins conscience.
Et donc, c'est à la société, par la loi, de décider des formes d'aliénation acceptables et de celles qui ne le sont pas ? On est déjà dans une telle situation, avec des choix de société par rapport aux drogues, à la sexualité, et je pense au contraire qu'il est nécessaire de libérer les individus de telles contraintes, au lieu au contraire d'ajouter des contraintes légales sans toucher aux contraintes sociales (on a d'un côté une pression des industries du divertissement, des fabricants de jouets, des publicitaires, pour fabriquer une société sexiste, et de l'autre on veut faire des lois pour interdire aux individus de se plier à une telle contrainte.)
Assumer que tout le monde est libre et donc responsable de ces actes est pour moi se désolidariser des individus en détresse. C'est d'ailleurs la mentalité qui prévaut aux USA et on ne peut pas dire que ce soit une société idéale (la notre non plus j'entends bien).
Et pourtant, le vocabulaire abolitionniste a des connotations morales :
Pour finir, j'avoue que je suis vraiment fatiguée de lire, encore et encore, les même accusations de moralisation.
"ils affirment qu'il n'est pas éthique", si ce n'est pas une position morale je ne sais pas ce que c'est. Après, je n'ai rien contre le fait d'adopter une position morale. C'est le fait de vouloir l'imposer à tous (y compris à celles présentées comme victimes et qui refusent ce statut) qui me dérange.http://enquelquesorte.blogspot.be/2012/09/abolitionnistes-et-proprostitution-nous.html a écrit:Les abolitionnistes n’ont aucun intérêt personnel à l’abolition de la prostitution.
Ils se battent contre un système mondial qui exploite sexuellement majoritairement des femmes. Ils affirment qu’il n’est pas éthique de permettre à une personne (dans 99 % des cas un homme) de payer pour utiliser un-e autre sexuellement (dans 80 % des cas une femme).
Est-on sûr d'aboutir à une situation plus juste ? Le cas de la Suède donne des situations contrastées, avec une diminution de la prostitution mais un accroissement de son danger, par exemple.
En quoi vouloir une situation plus juste est moralisant, exactement?
Encore faut-il que ce risque soit effectif. Pour la prostitution de rue c'est le cas, il est facile d'attraper les gens en flagrant délit. Mais pour les "escort girls" qui postent des annonces sur Internet, et se déplacent chez le client ou reçoivent dans un hôtel, ça va être coton de faire des "flags".pierregr a écrit:@Grunt, tu n'as manifestement pas été lire les liens que j'ai indiqués car la plupart des questions que tu te poses y trouvent réponse.
D’autre part, la pénalisation a montré ses effets dans des enquêtes : la plupart des clients potentiels disent que s’ils risquent une amende ou la prison, ils arrêteront d’être clients. C'est triste mais c'est comme ça.
De plus, ce sont les mafias organisées qui auront plus de moyens de s'adapter pour garantir au client de ne pas se faire choper, par rapport aux prostituées indépendantes qui ne peuvent pas s'organiser (sinon elles sont accusées de proxénétisme).
On a vu ce que donnait la prohibition de l'alcool aux USA, j'espère que l'abolition en France ne va pas nous mettre dans la même situation.
Dans le cas d'une voiture qui roule vite, on met en danger autrui. La vitesse maximale est un consensus social, et les gens qui roulent plus vite que les autres présentent un danger du fait de cette différence de vitesse qui peut surprendre les autres conducteurs. (autrement dit, si tout le monde roulait à 140km/h, ce serait moins dangereux que si la plupart sont à 130 et quelques un à 140).
C’est comme la vitesse limitée sur autoroute, les gens ne la respectent que s’il y a amendes et points de permis retirés en cas d’excès. Pourtant, il y a sûrement des circonstances où rouler vite avec une voiture adaptée et une personne sachant très bien conduire n’est pas un danger. Mais OSEF, on flashe tout le monde et c’est le même prix pour chacun-e. On attente aussi à la liberté de ces gens-là non ? Il n'y a pas de "au cas par cas" pour eux mais qui s'en émeut ? Alors pourquoi du "cas par cas" pour la prostitution ?
La situation est différente de celle d'une prostituée qui n'exploite qu'elle-même (je ne sais plus quel pro-abolition expliquait que, dans le système capitaliste, les prostituées n'exploitent qu'elles-mêmes, et pas le travail d'autrui ni une richesse matérielle).
À moins que tu sous-entendes qu'une prostituée qui fasse ce choix de façon aussi libre que possible, pose quand même le problème de donner une certaine image des femmes, autrement dit aurait une mauvaise influence sur la société et pousserait d'autres personnes à devenir clients, proxénètes, violeurs ?
Dans un domaine où il est question de morale, du sens que chacun accorde à sa sexualité, je n'aime pas voir l'intérêt commun écraser la liberté individuelle. Et ce n'est pas spécifique à la prostitution, hein : l'interdiction de certaines drogues me fait râler aussi.
Il faut toujours voir l’intérêt commun au-delà de l’intérêt individuel, sans quoi, c’est l’anarchie (pas au sens politique du terme).
Je n'ai pas dit que les clients étaient des bons samaritains (ils viennent pour une raison totalement égoïste), je dis que faire partir les clients d'une prostituée qui se trouve dans une telle situation va la mettre dans une situation encore pire, en brisant l'équilibre (certes totalement merdique et invivable) qu'elle a construit entre traumatisme, drogue et prostitution. Et qu'avant de décider d'une telle chose il est nécessaire de proposer une porte de sortie qui tienne la route. Étant donné l'état actuel des structures d'aide sociale, je doute qu'on dispose d'une telle porte de sortie.akkana a écrit:Et l'impact sur les prostituées, si en devenir client est illégal ? Dans les situations très dures, très violentes, où des femmes victimes de violences dans leur enfance sont en décalage avec la société, handicapées par leurs traumatismes, consomment des drogues et financent leur consommation par la prostitution, ça donne quoi si on enlève le financement ?
On va leur trouver des structures d'accueil où on leur apprendra à faire un boulot "comme les autres", à se "désintoxiquer" (i.e. à se droguer comme les gens normaux, avec la TV, le tabac et l'alcool) ? Très bien, mais qu'est-ce qui empêche de leur proposer cette porte de sortie dès maintenant ? Et si elles la rejettent, n'est-ce pas sournois de les placer dans une situation où on les contraint à chercher l'aide du système en coupant leur source de revenus ?
C'est pas la première fois que je lis ce genre de chose que je trouve plus que révoltante.
Ca ferait limite passer les clients et les proxénètes pour des bienfaiteurs qui permettent aux prostituées d'avoir une source de revenus alors qu'elles seraient perdues sans eux. Si les clients sont si inquiets du sort des prostituées et pensent qu'elles ont besoin de leur argent pour vivre, qu'ils leur donnent gratuitement sans exiger le droit de les violer en retour!
C'est la négation totale de la liberté et de la responsabilité individuelle, ce que tu décris. Au profit d'une vision du monde dans laquelle nous sommes tous des machines presque déterministes, qui suivent le chemin imposé par le vécu, et avec de surcroît un discours moraliste (oui, moraliste) qui décide que telle aliénation est juste, telle autre ne l'est pas.Elfvy a écrit:Pour rebondir sur "la loi du plus fort" et puisque vous mettez plein de liens (donc je me sens moins coupable de ne pas expliquer par moi-même), je voulais rajouter ce texte sur la notion de consentement.
http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2731
Voilà quelques passages qui expliquent comment "les plus forts" se sert de la "liberté" pour oppresser (ici, en utilisant la notion de consentement)
le terme « consentement » est un terme évoqué par les hommes (ou les groupes sociaux dominants) pour se déculpabiliser d’un geste oppressant envers les femmes (ou les groupes sociaux dominésAprès avoir été valorisé comme un moyen de défense contre le pouvoir des plus forts et avoir été considéré comme l’expression de l’autonomie personnelle, le consentement se transforme en un moyen d’oppression servant à justifier des attitudes violentes et possessives qui tirent parti des fragilités et des failles des êtres humains
Depuis quelques mois, j'ai donc ce mot en horreur. De toute façon on a pas besoin de la notion de consentement pour savoir si une chose est acceptable ou non
J'espère que dans ta vie tu prends en compte le consentement des individus avant de faire quelque chose avec eux. Moi oui.
- InvitéInvité
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 13:37
J'ai l'impression que tu as une vision déformée du programme abolitionniste :Grunt a écrit:je ne comprends pas pourquoi l'abolitionnisme s'intéresse en détail à la pénalisation du client, alors que les mesures pour aider à sortir de la prostitution ne sont pas mises en avant.
- les mesures d'aide pour en sortir sont mises en avant ; après peut-être que c'est mal relayé dans certains médias, mais vu que c'est la cas de presque tous les messages féministes, on devrait commencer à avoir l'habitude, non ?
- il y a des abos qui ne sont pas pour la pénalisation des clients, ce qui cadre mal avec ton idée que cette pénalisation serait le cœur de l'abolitionnisme.
En même temps, on a une culture du viol, mais des lois contre le viol. Rien n'empêche de lutter sur tous les fronts en même temps : légal et culturel/social.on a d'un côté une pression des industries du divertissement, des fabricants de jouets, des publicitaires, pour fabriquer une société sexiste, et de l'autre on veut faire des lois pour interdire aux individus de se plier à une telle contrainte.
Encore une fois, ce genre d'argument a beaucoup trop de portée pour être valable : si on part comme ça, on supprime illico toutes les lois. Après tout, dire que le meurtre c'est mal, c'est aussi une position morale, donc on ne devrait donc pas l'imposer à tous ?Après, je n'ai rien contre le fait d'adopter une position morale. C'est le fait de vouloir l'imposer à tous (y compris à celles présentées comme victimes et qui refusent ce statut) qui me dérange.
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 14:44
Sur FB, une abolitionniste a posté des explications sur la différence entre morale et éthique
Pour la vitesse, ce que je voulais dire, c'est que qqn-e sachant bien conduire avec une voiture en parfait état de marche qui roule à 200 km/h sur une autoroute déserte va se faire retirer son permis direct, on ne tiendra pas compte du contexte. On pénalise donc des gens qui a priori, ne sont pas dangereux pour les autres. C'était ça l'objet de ma comparaison, pour répondre à ce que tu disais sur le "cas par cas" pour la prostitution.
Pour le lancer de nains, on en a déjà parlé. Il a été interdit au nom de la dignité et du respect des nain-e-s, même si certain-e-s d'entre elleux étaient d'accord. Pas vu bcp de gens manifester à l'époque contre cette "atteinte à la liberté individuelle des nain-e-s de se faire lancer".
en fait, "morale" est chargé de connotations (notamment religieuses) tandis que "éthique" est neutre et politique alors il est intéressant d'utiliser le mot éthique dans notre combat abolitionniste.
l'abolitionnisme repose sur un fondement éthique : le respect de la dignité humaine, le corps n'est pas une marchandise.
L’éthique (du grec ηθική [επιστήμη], « la science morale », de ήθος ("èthos"), « lieu de vie ; habitude, mœurs ; caractère, état de l'âme, disposition psychique » et du latin ethicus, la morale) est une discipline philosophique pratique (action) et normative (règles) dans un milieu naturel et humain. Elle se donne pour but d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure.
Il existe différentes formes d’éthique qui se distinguent par leur degré de généralité (l’éthique appliquée par exemple ne possède pas le degré de généralité de l’éthique générale). Elles se distinguent aussi par leur objet (comme la bioéthique, l’éthique de l'environnement, éthique des affaires ou l’éthique de l'informatique), ou par leur fondement culturel (qui peut être l’habitat, la religion, la tradition propre à un pays, à un groupe social ou un système idéologique). Dans tous les cas, l’éthique vise à répondre à la question « Comment agir au mieux ? ».
éthique (comment agir au mieux ?) // morale (bien ou mal)
Les rapports entre morale et éthique sont délicats, car la distinction entre ces deux termes eux-mêmes est différente selon les penseurs. Dans un sens « ordinaire», le terme éthique est synonyme de morale, et désigne une pratique ayant pour objectif de déterminer une manière conforme de vivre dans un habitat en correspondant aux fins ou aux rôles de la vie de l'être humain (exemple : recherche du bonheur ou de la vertu).
Toutefois, si le terme « éthique » est synonyme de morale dans un sens « ordinaire », pourquoi le mot « morale » ne se rencontre-t-il pas une seule fois dans l'Éthique de Spinoza ? La raison en est que la morale consiste en un ensemble de règles « relatives » fictivement érigées en Bien et Mal absolus, comme le confirme sa définition dans le paragraphe suivant, alors que l'éthique est précisément la morale débarrassée de ses croyances superstitieuses absolutisant le relatif et de ses condamnations moralisatrices utilisées comme une arme contre les Autres, dixit Constantin Brunner, philosophe juif allemand (1862-1937), héritier spirituel de Spinoza.
...
http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89thique
La morale (du latin moralitas, « façon, caractère, comportement approprié ») désigne l'ensemble des règles ou préceptes relatifs à la conduite, c'est-à-dire à l'action humaine. Ces règles reposent sur la distinction entre des valeurs fondamentales : le juste et l'injuste, ou plus simplement le bien et le mal. C'est d'après ces valeurs que le moral fixe des principes d'action, qu'on appelle les devoirs de l'être humain, vis-à-vis de lui-même ou des autres individus, et qui définissent ce qu'il faut faire et comment agir.
La morale peut renvoyer à l'ensemble des règles de conduite diffuses dans une société et exprimant ses valeurs (politesse, courtoisie, civisme), ou encore à des préceptes énoncés explicitement par une religion ou une doctrine (morale religieuse, philosophie morale, éthique).
...
http://fr.wikipedia.org/wiki/Morale
Les différentes formes d’éthique se distinguent aussi par leur objet (comme la bioéthique, l’éthique de l'environnement, éthique des affaires ou l’éthique de l'informatique) : l'abolition du système prostitueur peut-elle trouver sa place dans un chapitre de la bio-éthique ? La non-patrimonialité du corps humain est un dénominateur commun...
prohibitionnisme : hypocrisie et danger
réglementarisme : exploitation et violence
abolitionnisme : liberté et responsabilité
utiliser le mot éthique est une stratégie pour distinguer le prohibitionnisme et l'abolitionnisme...
wikipédia nous dit la différence entre les deux :
- morale : bien mal, juste injuste
- « triangle de l'éthique » : je veux, je peux, je dois. / comment agir au mieux ?
Pour la vitesse, ce que je voulais dire, c'est que qqn-e sachant bien conduire avec une voiture en parfait état de marche qui roule à 200 km/h sur une autoroute déserte va se faire retirer son permis direct, on ne tiendra pas compte du contexte. On pénalise donc des gens qui a priori, ne sont pas dangereux pour les autres. C'était ça l'objet de ma comparaison, pour répondre à ce que tu disais sur le "cas par cas" pour la prostitution.
Pour le lancer de nains, on en a déjà parlé. Il a été interdit au nom de la dignité et du respect des nain-e-s, même si certain-e-s d'entre elleux étaient d'accord. Pas vu bcp de gens manifester à l'époque contre cette "atteinte à la liberté individuelle des nain-e-s de se faire lancer".
- AraignéeAncien⋅ne
- Messages : 4550
Date d'inscription : 02/09/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 15:58
Vraisemblablement, tu n'as pas acheté assez de drogues pour les connaître :p (non, c'est vrai, il y en a moins que des hommes).Grunt a écrit:Je ne connais pas beaucoup de dealeuses de drogues illégales, par exemple.
C'est sans doute vrai. Par contre le cas des pays où la prostitution a été réglementée (Suisse, Allemagne...) donne des situations beaucoup moins contrastées : augmentation énorme du nombre de prostituées issues de réseaux de proxénétisme (ce qui parait logique : on offre aux proxénètes un lieu où vendre plus facilement, ils vont pas se gêner), maisons closes qui proposent toutes sur leur carte la fellation non protégée (ben oui, dans ce cas, c'est la fille qui prend le plus de risques) et au passage, de nombreuses maisons closes qui imposent des tests VIH à ses filles mais aucune qui ne l'impose aux clients (preuve que c'est bien le client qu'on protège, pas les filles. Si le test s'avèrent positif, c'est juste trop tard pour elles et elles dégagent).
Est-on sûr d'aboutir à une situation plus juste ? Le cas de la Suède donne des situations contrastées, avec une diminution de la prostitution mais un accroissement de son danger, par exemple.
C'est plutôt tant mieux. Parce que dans les faits, les prostituées qui sont le plus souvent dans la merde financière et sociale, le plus souvent sous la coupe de réseaux, le plus souvent d'anciennes victimes d'abus sexuels, le plus souvent usagères de drogues, ce sont les prostituées de rue. La plupart de celles qui revendiquent leur activité et se sentent vraiment libres sont des escorts girls.
Encore faut-il que ce risque soit effectif. Pour la prostitution de rue c'est le cas, il est facile d'attraper les gens en flagrant délit. Mais pour les "escort girls" qui postent des annonces sur Internet, et se déplacent chez le client ou reçoivent dans un hôtel, ça va être coton de faire des "flags".
C'est bien le client qu'il s'agit de punir, pas la prostituée (enfin, dans l'idéal, parce qu'à mon sens, la première urgence est de supprimer ce fichu délit de racolage). Or, le client, qu'il le veuille ou non, met en danger autrui. Parce qu'il n'a aucun moyen de savoir si la prostituée qu'il va voir est sous l'emprise d'un réseau, ni si elle est dans une démarche d'autodestruction suite à un vécu traumatique (il est d'ailleurs illégal d'aider quelqu'un à se suicider ou s'auto-mutiler, même s'il en fait la demande. Je vois mes anciens clients comme ça : des gens qui ont payé pour m'aider à me détruire.)
Dans le cas d'une voiture qui roule vite, on met en danger autrui. La vitesse maximale est un consensus social, et les gens qui roulent plus vite que les autres présentent un danger du fait de cette différence de vitesse qui peut surprendre les autres conducteurs. (autrement dit, si tout le monde roulait à 140km/h, ce serait moins dangereux que si la plupart sont à 130 et quelques un à 140).
La situation est différente de celle d'une prostituée qui n'exploite qu'elle-même (je ne sais plus quel pro-abolition expliquait que, dans le système capitaliste, les prostituées n'exploitent qu'elles-mêmes, et pas le travail d'autrui ni une richesse matérielle).
Il faut toujours voir l’intérêt commun au-delà de l’intérêt individuel, sans quoi, c’est l’anarchie (pas au sens politique du terme).
Pour le coup, je suis pour la dépénalisation de toutes les drogues. Mais on n'est absolument pas dans le même registre. Les prostituées ne sont pas des produits, contrairement aux drogues qui s'en fichent bien qu'on se les gobe, sniffe ou injecte. Et contrairement à ce qui se passe avec la réglementation de la prostitution, dans les pays où les drogues sont dépénalisées (voir le Portugal par exemple), on se retrouve avec moins d'overdoses, moins de soucis de santé, moins de contaminations par VIH/hépatites, et même... moins de consommateurs. Parce qu'en réalité, la pénalisation des drogues contribue à une diabolisation qui n'a pas vraiment lieu d'être. On peut consommer n'importe quelle drogue avec modération et réduction des risques, et ce n'est pas plus risqué au final que la pratique d'un sport dangereux (genre le parapente, qui n'a rien d'illégal). Bien sûr, il y aura toujours des consommateurs problématiques (comme il y a des alcooliques malgré la légalité de l'alcool), mais en supprimant l'idée toujours véhiculée que les drogues sont un truc de paumés auto-destructeurs qui vont vous transformer en zombie, on cessera d'inciter insidieusement les jeunes paumés auto-destructeurs à foncer dedans tête baisser, et les consommateurs le seront pour des raisons plus saines (de la curiosité à l'envie de mieux se connaître en passant par l'auto-apaisement de douleurs psychiques).
Et ce n'est pas spécifique à la prostitution, hein : l'interdiction de certaines drogues me fait râler aussi.
Fin bref, désolée pour le HS.
(Et sinon, je connais un Grunt de près, ce ne serait pas toi ?)
- cleindoAncien⋅ne
- Messages : 2926
Date d'inscription : 20/01/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 16:26
Ça m'énerve de pas avoir le temps de répondre, parce que c'est super intéressant (et que j'ai plein de choses à dire)
Grrrr
Grrrr
- GruntBanni·e
- Messages : 2074
Date d'inscription : 27/09/2011
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 16:59
Soit j'ai vraiment mal lu, soit c'est également mal relayé par les abolitionnistes eux-mêmes.Numa a écrit:J'ai l'impression que tu as une vision déformée du programme abolitionniste :Grunt a écrit:je ne comprends pas pourquoi l'abolitionnisme s'intéresse en détail à la pénalisation du client, alors que les mesures pour aider à sortir de la prostitution ne sont pas mises en avant.
- les mesures d'aide pour en sortir sont mises en avant ; après peut-être que c'est mal relayé dans certains médias, mais vu que c'est la cas de presque tous les messages féministes, on devrait commencer à avoir l'habitude, non ?
J'ai néanmoins trouvé ceci, ici:
Ça me semble logique que de telles solutions soient mises en place, qu'on soit ou pas abolitionniste, étant donné la situation catastrophique de l'immense majorité des prostituées.Il est donc essentiel pour éviter ces conséquences de protéger les personnes en situation prostitutionnelle de toute violence en luttant contre le système prostitueur, de leur proposer des prises en charge avec des informations sur les conséquences sur la santé et de leur offrir des soins adaptés, et de les aider à se réinsérer en leur proposant des alternatives à la prostitution.
La prévention passe par un dépistage des violences sexuelles subies par les enfants (la majorité des violences sexuelles sont subies par des mineurs), par la protection de ces enfants victimes, leur accès à la justice et à des réparations, et à des soins spécialisés (formation des professionnels de santé, ouverture de centre de soins spécifiques gratuits et accessibles sur tout le territoire).
Néanmoins, ceci n'est pas forcément conjoint à une politique abolitionniste, dans le sens où on peut tout à fait imaginer une politique encadrant la prostitution, la réglementant, l'autorisant, accordant des droits aux prostituées (syndicat, logement, cotisations sociales..), tout en mettant en place le nécessaire pour éviter :
- les situations qui y contraignent les individus (violences lors de l'enfance, réseaux mafieux, violences à l'âge adulte..),
- les situations de prostitution dans lesquelles il y a un malaise et/ou une contrainte (proxénétisme, prostitution "de survie"..).
Pour cela, je ne trouve pas de trace d'un discours disant explicitement "il n'est pas nécessaire/indispensable de pénaliser les clients" tout en
- il y a des abos qui ne sont pas pour la pénalisation des clients, ce qui cadre mal avec ton idée que cette pénalisation serait le cœur de l'abolitionnisme.
considérant la prostitution comme un mal à éradiquer. De tout ce que j'ai lu, les deux ont toujours été liés.
Oui, mais il me semble que l'approche légale qui a actuellement cours tend à contraindre surtout les individus non constitués en lobbies, et préserve totalement tous les organismes et les industries qui ont du pouvoir.
En même temps, on a une culture du viol, mais des lois contre le viol. Rien n'empêche de lutter sur tous les fronts en même temps : légal et culturel/social.on a d'un côté une pression des industries du divertissement, des fabricants de jouets, des publicitaires, pour fabriquer une société sexiste, et de l'autre on veut faire des lois pour interdire aux individus de se plier à une telle contrainte.
Après, c'est une question de courage politique qui dépasse largement la question de la prostitution. Mais cette volonté récente et politique de combattre la prostitution en visant spécifiquement les clients en est un bon exemple. Il n'y a pas la même volonté affichée de combattre les réseaux mafieux qui font du trafic humain, de lutter contre le message sexiste de telle ou telle entreprise..
Personnellement, j'aurais tendance à préférer une approche qui préserve la liberté des individus en tant qu'individus, et qui s'attaque aux systèmes organisés, rationalisés, qui diffusent un message ou des pratiques discriminants.
Pour prendre un exemple un peu caricatural : si on veut lutter contre le sexisme des jouets offerts aux enfants, on peut inquiéter les entreprises qui font des études et des calculs rationnels, conscients, pour vendre des jouets sexistes, ou bien on peut mettre la pression sur les parents et les rendre individuellement responsables de leur tendance à répondre au message de ces entreprises. La première solution a largement ma préférence (supprimer la pression sexiste au lieu de la laisser en place et de taper sur les individus qui ne font qu'y répondre, en prenant le risque de taper sur ceux qui font un choix conscient, sans pression, mais considéré comme nuisible).
Le meurtre impose la privation de la vie à autrui, c'est là qu'est la différence avec le fait de pénaliser la prostituée et/ou le client dans le cas où les deux en font le choix.
Encore une fois, ce genre d'argument a beaucoup trop de portée pour être valable : si on part comme ça, on supprime illico toutes les lois. Après tout, dire que le meurtre c'est mal, c'est aussi une position morale, donc on ne devrait donc pas l'imposer à tous ?Après, je n'ai rien contre le fait d'adopter une position morale. C'est le fait de vouloir l'imposer à tous (y compris à celles présentées comme victimes et qui refusent ce statut) qui me dérange.
Ceci dit, il est vrai que notre société a des gardes-fou y compris dans le cas où les individus expriment la volonté de faire un choix trop destructeur pour eux-mêmes : on n'a pas le droit de tuer quelqu'un, même s'il le demande. La question porte sur le fait de savoir si la prostitution doit être assimilée à un crime (on n'aurait donc pas le droit de recourir à du sexe tarifé, même si la prestataire exprime son accord en dehors de la pression d'un proxénète), ou pas.
Sachant que notre société place des limites différentes, qui sont le résultat d'un consensus social. C'est donc bien un choix (à débattre), pas une obligation de fait. Il est légal de refuser l'acharnement médical, il est légal de se faire tatouer/percer le corps, il est légal de se faire circoncir, il est légal de se faire stériliser, il est légal de subir des violences dans le cadre d'une relation sado-masochiste. Les individus ont donc bien une certaine latitude pour consentir à des actes biologiquement destructeurs sur leur corps.
OK. Donc si c'est une mesure évoquée récemment et fréquemment dans les blogs abolitionnistes, ce serait surtout parce qu'elle est soutenue par la ministre des Droits des Femmes (Mme Vallaud-Belkacem), donc remise au goût du jour. Ça se tient.Antisexisme a écrit:
1. Je ne pense pas que la pénalisation du client intéresse plus les abolitionnistes que les autres mesures. C'est juste que c'est celle qui est mise en avant dans les médias ("Ouah, on pourra plus aller aux putes") car c'est la seule qui concerne le grand public (enfin, les hommes).
Avec la possibilité d'un effet retord, à savoir une concentration de la demande en faveur des quelques structures illégales assez bien organisées pour garantir la confidentialité de leurs clients. Ceci dit, ce n'est pas une raison pour ne rien faire. (De même que l'existence de trafic d'armes ne justifie pas de les mettre en vente libre).Antisexisme a écrit:
2. C'est pour réduire la demande, afin qu'il n'y ait plus d'offres. Tant qu'il y aura des gens prêts à payer pour un acte sexuel, il y aura des gens, les proxénètes, pour fournir des filles, et se faire de l'argent là-dessus.
Hélas, je crois que c'est une attitude généralisée à toute notre société. Je ne connais personne qui se demande quels sont les enjeux éthiques derrière chaque choix de consommation. Vous vous êtes déjà posé la question des conditions de travail des caissières en allant faire vos courses (je veux dire, qui choisis son magasin en fonction de ce critère ?), des conditions de fabrication de tel ou tel produit hi-tech ? Qui a pris 5 minutes pour regarder comment fonctionne l'entreprise qui gère fr-bb.com, comment elle traite les salariés, si elle sous-traite à des gens mal payés et pas respectés, avant de s'inscrire ici ?Antisexisme a écrit:
3. Les clients des prostituées "libres" sont les mêmes que ceux des prostituées "forcées". Va sur un forum de clients : tu crois que leur critère de choix c'est si de savoir si la prostituée est macquée ou non ?? Ils en ont absolument RIEN A FOUTRE. Ce qu'ils veulent ? Une fille qui mette le moins de barrières possible au prix le plus faible possible. C'est tout. Quand on leur demande s' ils font gaffe à ne pas voir des prostituées macquées, ils répondent "Euh, toi tu fais gaffe à l'origine de ta viande ? Ben là c'est pareil" ou bien "C'est son problème, pas le mien." Bref, ils se sentent pas concernés... ça ne les regarde pas.
Toutefois, ce que je trouve bizarre (ce que je n'arrive pas à comprendre), c'est comment font les clients pour ne pas s'inquiéter de la différence, dans la mesure où un rapport sexuel, même tarifé, implique d'être au contact direct de la personne, et que (d'un point de vue purement égoïste) l'état d'esprit, les contraintes, de la prostituée vont avoir une influence sur la prestation.
Si je prends une vue d'ensemble sur ma vie sexuelle (entièrement non tarifée, hein), il y a une différence assez nette entre coucher avec quelqu'un qui est de bonne humeur, reposé, qui a passé une bonne journée, qui n'a pas de raisons d'être triste, et le faire avec quelqu'un qui a moyennement envie pour X ou Y raison.
Du coup, même en restant dans une approche égoïste, je suis étonné de cette indifférence dont font effectivement preuve les clients montrent sur les forums, alors qu'ils sont par ailleurs très minutieux sur d'autres aspects (le physique, par exemple).
Après, sans savoir ce que représente une relation sexuelle tarifée comme sensation, comme état d'esprit, comme vécu, je pense que j'aurai du mal à comprendre ce point.
Ben le lancer de nain n'a pas toujours été interdit. Et si ce genre d'interdictions fait moins de bruit que le débat autour de la prostitution, c'est certainement parce que ça touche à des sujets qui intéressent moins de gens, que la prostitution (qui fait "fantasmer", rêver, qui touche à des sujets importants dans notre société : le sexe, l'argent, l'infidélité, les rapports hommes/femmes..).
Et sinon je rejoins Elfvy pour le consentement. Si quelqu'un d'handicapé et défiguré est consentant pour s'exhiber comme "monstre de foire", tu acceptes ? Si un nain est d'accord pour être lancé lors d'un "lancer de nain", OK aussi ? Moi pas... Je pense qu'on ne devrait pas profiter de la fragilité ou de la pauvreté de certaines personnes qui sont prêtes à être humiliées pour de l'argent... (en effet j'estime que prostitution = souvent volonté d'humilier la personne prostituée... c'est ce qui ressort du discours des clients bien souvent).
Absolument aucun, tant qu'une vision morale personnelle ne prétend pas s'imposer comme règle à tout le monde. Je pense juste qu'il faut davantage qu'une perception morale d'un phénomène pour vouloir l'interdire.
Bon, quant au moralisme... En fait je me demande : mais quel est le problème avec la morale ou l'éthique (pour moi, c'est la même chose !) ??
"Ce qu'il y a d'encombrant avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres" disait ce bon vieux Léo Ferré. Et je me sens d'accord avec lui sur ce point là, quel que soit le point sur lequel porte la morale. "Tu n'as pas le droit de faire ceci, parce que la plupart des gens pensent que c'est pas bien." Foutez-moi la paix, sortez du dedans de ma tête !
- JezebelAncien⋅ne
- Messages : 2182
Date d'inscription : 18/07/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 17:39
Grunt a écrit:
Hélas, je crois que c'est une attitude généralisée à toute notre société. Je ne connais personne qui se demande quels sont les enjeux éthiques derrière chaque choix de consommation. Vous vous êtes déjà posé la question des conditions de travail des caissières en allant faire vos courses (je veux dire, qui choisis son magasin en fonction de ce critère ?), des conditions de fabrication de tel ou tel produit hi-tech ? Qui a pris 5 minutes pour regarder comment fonctionne l'entreprise qui gère fr-bb.com, comment elle traite les salariés, si elle sous-traite à des gens mal payés et pas respectés, avant de s'inscrire ici ?
Ben moi je m'efforce de faire attention à ce genre de chose et oui, je me pose des questions sur pas mal de ce que j'achète, les conditions de production etc. (mais après ça peut venir du fait d'être vegan, je sais pas).
C'est peut être pas généralisé mais je pense que je suis vraiment loin d'être la seule.
Grunt a écrit:Toutefois, ce que je trouve bizarre (ce que je n'arrive pas à comprendre), c'est comment font les clients pour ne pas s'inquiéter de la différence, dans la mesure où un rapport sexuel, même tarifé, implique d'être au contact direct de la personne, et que (d'un point de vue purement égoïste) l'état d'esprit, les contraintes, de la prostituée vont avoir une influence sur la prestation.
Si je prends une vue d'ensemble sur ma vie sexuelle (entièrement non tarifée, hein), il y a une différence assez nette entre coucher avec quelqu'un qui est de bonne humeur, reposé, qui a passé une bonne journée, qui n'a pas de raisons d'être triste, et le faire avec quelqu'un qui a moyennement envie pour X ou Y raison.
Du coup, même en restant dans une approche égoïste, je suis étonné de cette indifférence dont font effectivement preuve les clients montrent sur les forums, alors qu'ils sont par ailleurs très minutieux sur d'autres aspects (le physique, par exemple).
Tu places la prostitution (et les clients) comme s'inscrivant dans la sexualité, ça n'en est pas. Donc les clients s'en foutent, l'individu en face d'eux est rarement pris en compte, sinon pour ses "qualités" d'objet (dont le physique). Et ça la réglementation ne changera rien à cette perception.
Citer Léo Ferré sur un site féministe, c'est plutôt malvenu... A moins, que je ne me trompe de personne (il m'arrive de confondre avec Nino Ferrer) ce type était un misogyne fini...Grunt a écrit:"Ce qu'il y a d'encombrant avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres" disait ce bon vieux Léo Ferré.clients montrent sur les forums, alors qu'ils sont par ailleurs très minutieux sur d'autres aspects (le physique, par exemple).
- GruntBanni·e
- Messages : 2074
Date d'inscription : 27/09/2011
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 18:19
Oui, mais ce que je voulais dire c'est que ce m'en-foutisme n'est pas spécifique à la prostitution, hélas.Jezebel a écrit:
Ben moi je m'efforce de faire attention à ce genre de chose et oui, je me pose des questions sur pas mal de ce que j'achète, les conditions de production etc. (mais après ça peut venir du fait d'être vegan, je sais pas).
C'est peut être pas généralisé mais je pense que je suis vraiment loin d'être la seule.
C'est là que je ne comprends pas. J'ai d'ailleurs lu des textes féministes insistant sur la notion de "violence sexiste sexualisée", et qui assimilaient par exemple le viol à une violence sexiste (au même titre que les coups et blessures conjugaux), violence prenant une forme sexuelle, mais dont le sexe n'est pas la première raison d'être.
Tu places la prostitution (et les clients) comme s'inscrivant dans la sexualité, ça n'en est pas. Donc les clients s'en foutent, l'individu en face d'eux est rarement pris en compte, sinon pour ses "qualités" d'objet (dont le physique). Et ça la réglementation ne changera rien à cette perception.
Je trouve ça intéressant par rapport au point de vue naïf qui placerait le désir comme premier moteur du viol ou du recours à la prostitution, mais ça me surprend un peu comme analyse. Disons que c'est totalement nouveau comme façon de penser, en ce qui me concerne.
Même s'il y a dans les références du porno et dans les descriptions faites par certains clients de prostituées, davantage de violence que de désir sexuel (vocabulaire qui fait référence à la destruction, à l'agression, bien davantage qu'au plaisir et au soulagement du désir).
Bon an mal an j'ai du écouter l'ensemble de sa discographie, et je n'y ai pas relevé de misogynie flagrante. Une certaine tendance au paternalisme, peut-être.Citer Léo Ferré sur un site féministe, c'est plutôt malvenu... A moins, que je ne me trompe de personne (il m'arrive de confondre avec Nino Ferrer) ce type était un misogyne fini...Grunt a écrit:"Ce qu'il y a d'encombrant avec la morale, c'est que c'est toujours la morale des autres" disait ce bon vieux Léo Ferré.
Tiens, que pensez-vous de ce texte de Léo Ferré, en plein dans le sujet ?
http://www.paroles2chansons.com/paroles-leo-ferre/paroles-la-gueuse.html
- InvitéInvité
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 18:43
+1 Et il me semble que c'est à peu près ce à quoi fait allusion Antisexisme quand elle dit que ce qui motive les clients, ce n'est pas le sexe, mais le rapport de domination (et pas au sens SM du terme, hein). En fait il me semble de plus en plus clair que, plus que le rapport sexuel lui-même, ce qui intéresse les clients, c'est justement le fait de ne pas avoir à se poser de question sur ce que ressent la prostituée (si elle a passé une bonne journée ou pas, si elle aime ci ou ça, mais plus généralement, si elle est forcée ou pas de se prostituer, etc.)Jezebel a écrit:Tu places la prostitution (et les clients) comme s'inscrivant dans la sexualité, ça n'en est pas.Grunt a écrit:Toutefois, ce que je trouve bizarre (ce que je n'arrive pas à comprendre), c'est comment font les clients pour ne pas s'inquiéter de la différence, dans la mesure où un rapport sexuel, même tarifé, implique d'être au contact direct de la personne, et que (d'un point de vue purement égoïste) l'état d'esprit, les contraintes, de la prostituée vont avoir une influence sur la prestation.
Si je prends une vue d'ensemble sur ma vie sexuelle (entièrement non tarifée, hein), il y a une différence assez nette entre coucher avec quelqu'un qui est de bonne humeur, reposé, qui a passé une bonne journée, qui n'a pas de raisons d'être triste, et le faire avec quelqu'un qui a moyennement envie pour X ou Y raison.
Du coup, même en restant dans une approche égoïste, je suis étonné de cette indifférence dont font effectivement preuve les clients montrent sur les forums, alors qu'ils sont par ailleurs très minutieux sur d'autres aspects (le physique, par exemple).
(Edit : tu dis dans le message d'après que l'analyse ne faisant pas du désir sexuel le moteur premier du viol ou de la prostitution te surprend un peu, mais il me semble que justement tes remarques ci-dessus montrent bien que l'hypothèse que le désir sexuel est le moteur premier de la consommation de prostitution n'est pas cohérente avec ce qu'on observe comme discours de clients.)
Alors ok, on ne fait pas toujours assez gaffe à l'impact que notre mode de vie peut avoir sur les autres, mais là j'ai quand même l'impression qu'on est à un autre niveau que de connaître les conditions de travail de notre caissière : être client d'une prostituée sans savoir si elle est forcée ou pas, c'est accepter la possibilité qu'on est en train de la violer. Et on parle pas d'un truc abstrait, mais d'une personne que le client voit de près. Savoir qu'un bonne partie des clients sont tout à fait à l'aise avec l'idée qu'ils ont peut-être acheté des viols fait quand même assez froid dans le dos, je trouve.
Ça, on est bien d'accord. (Je disais à peu près la même chose il y a quelque temps dans un autre fil sur le sujet, je crois.)Grunt a écrit:Ça me semble logique que de telles solutions soient mises
en place, qu'on soit ou pas abolitionniste, étant donné la situation
catastrophique de l'immense majorité des prostituées.
Néanmoins, ceci n'est pas forcément conjoint à une politique abolitionniste
- JezebelAncien⋅ne
- Messages : 2182
Date d'inscription : 18/07/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 19:24
En ce qui concerne Léo Ferré:
Sinon, la page de recherche google, plein de résultats: https://www.google.com/search?q=l%C3%A9o+ferr%C3%A9+misogyne&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:en-US:official&client=firefox-a
(Ceci dit, il y a certaines de ses chansons que j'apprécie beaucoup et ça m'a extrêmement peinée de découvrir ça à son sujet)
En ce qui concerne la violence sexualisée, je comprends que ça soit "novateur" mais ça n'est pas nouveau en soit, pourtant. Je pense que c'est aprce que la société est tellement bercée des mythes sur le viol et notamment du violeur psychopathe et dérangé dans le parking la nuit, ou encore la pulsion de nature sexuelle, un "besoin" irrepressible à assouvir. Tout ça fait que quand on présente autre chose, c'est sur que à de nature de quoi surprendre, j'imagine.
http://www.alainpiot.me/?p=138Prenons l’exemple de Léo Ferré, admirable chantre de nobles sentiments, dont l’amour, et pourtant capable de propos misogynes atterrants. Il commence par une plaisanterie méprisante, dévalorisante : « L’intelligence des femmes, c’est dans les ovaires… » Puis il définit sa cible, l’objet de sa haine : « Les pires femmes de toutes, les plus grandes salopes, sont les femmes cultivées ». Il achève : « Celles-là, je ne les laisse plus entrer chez moi »
Sinon, la page de recherche google, plein de résultats: https://www.google.com/search?q=l%C3%A9o+ferr%C3%A9+misogyne&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:en-US:official&client=firefox-a
(Ceci dit, il y a certaines de ses chansons que j'apprécie beaucoup et ça m'a extrêmement peinée de découvrir ça à son sujet)
En ce qui concerne la violence sexualisée, je comprends que ça soit "novateur" mais ça n'est pas nouveau en soit, pourtant. Je pense que c'est aprce que la société est tellement bercée des mythes sur le viol et notamment du violeur psychopathe et dérangé dans le parking la nuit, ou encore la pulsion de nature sexuelle, un "besoin" irrepressible à assouvir. Tout ça fait que quand on présente autre chose, c'est sur que à de nature de quoi surprendre, j'imagine.
- GruntBanni·e
- Messages : 2074
Date d'inscription : 27/09/2011
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 19:40
Certes, j'en suis resté au rayon des trucs de bisounours (shit et herbe)Araignée a écrit:Vraisemblablement, tu n'as pas acheté assez de drogues pour les connaître :p (non, c'est vrai, il y en a moins que des hommes).Grunt a écrit:Je ne connais pas beaucoup de dealeuses de drogues illégales, par exemple.
Tu vas me trouver chiant, mais ce que tu dis me donne l'image d'une réglementation faite au mépris total des droits des prostituées, justement.Araignée a écrit:
C'est sans doute vrai. Par contre le cas des pays où la prostitution a été réglementée (Suisse, Allemagne...) donne des situations beaucoup moins contrastées : augmentation énorme du nombre de prostituées issues de réseaux de proxénétisme (ce qui parait logique : on offre aux proxénètes un lieu où vendre plus facilement, ils vont pas se gêner), maisons closes qui proposent toutes sur leur carte la fellation non protégée (ben oui, dans ce cas, c'est la fille qui prend le plus de risques) et au passage, de nombreuses maisons closes qui imposent des tests VIH à ses filles mais aucune qui ne l'impose aux clients (preuve que c'est bien le client qu'on protège, pas les filles. Si le test s'avèrent positif, c'est juste trop tard pour elles et elles dégagent).
Si virer les séropositives et ne protéger que les clients est la seule façon dont on sait réglementer la prostitution, il est effectivement impensable de réglementer.
Que penses-tu de l'approche "auto-organisatrice" des prostituées (du STRASS par exemple) qui réclament le droit de s'auto-gérer et veulent décider elles-mêmes de la réglementation de la prostitution ? Je doute que le STRASS envisage le modèle suisse ou allemand.
C'est aussi l'impression que ça me fait (rien que les tarifs font comprendre qu'elles peuvent se permettre de dire "non" à un client douteux).Araignée a écrit:
C'est plutôt tant mieux. Parce que dans les faits, les prostituées qui sont le plus souvent dans la merde financière et sociale, le plus souvent sous la coupe de réseaux, le plus souvent d'anciennes victimes d'abus sexuels, le plus souvent usagères de drogues, ce sont les prostituées de rue. La plupart de celles qui revendiquent leur activité et se sentent vraiment libres sont des escorts girls.
Heu.. ma première expérience sexuelle s'est passé avec une fille qui était précisément dans une démarche d'auto-destruction suite à un vécu traumatique, et ça m'a fait bizarre. C'est ensuite en comparant avec des relations plus épanouies que je me suis rendu compte qu'il y avait une sacrée différence, en terme de ressenti (ce n'est pas spécialement physique, plutôt une sonnette d'alarme dans ma tête qui hurlait que quelque chose n'allait pas, sans éléments de comparaison pour savoir ce qui n'allait pas.)
C'est bien le client qu'il s'agit de punir, pas la prostituée (enfin, dans l'idéal, parce qu'à mon sens, la première urgence est de supprimer ce fichu délit de racolage). Or, le client, qu'il le veuille ou non, met en danger autrui. Parce qu'il n'a aucun moyen de savoir si la prostituée qu'il va voir est sous l'emprise d'un réseau, ni si elle est dans une démarche d'autodestruction suite à un vécu traumatique
Pourtant, elle faisait tout par le cacher, autant par son attitude que par son discours. Mais ça se sent que quelque chose cloche. Du coup, j'ai du mal à croire que les clients ne fassent pas la différence entre (prenons deux cas extrêmes) une escort qui décide librement de se prostituer quelques jours par mois en triant ses clients sur le volet, et une prostituée de rue qui vit chaque rapport comme un viol.
Ou alors, ils sont inexpérimentés (tous ? ça m'étonnerait) ou bien, comme le dit Antisexisme, ils en ont vraiment rien à foutre.
Mais bon, si c'est pour se masturber dans un corps crispé par la peur, autant acheter une poupée gonflable.
Pour le suicide, ok. Pour l'auto-mutilation, j'ai du mal à saisir : interdit de procurer des moyens pour le faire ? Parce que bon, je vois mal comment la justice, avec son regard extérieur et "mécanique", peut trancher entre une relation SM consentie et consensuelle, et le fait d'aider quelqu'un à se mutiler. Même si les deux démarches sont à l'opposé, du point de vue de la loi ça relève un peu du même geste, non ?
(il est d'ailleurs illégal d'aider quelqu'un à se suicider ou s'auto-mutiler, même s'il en fait la demande.
Ouch, tu parles donc d'expérience.
Je vois mes anciens clients comme ça : des gens qui ont payé pour m'aider à me détruire.)
En fait, je voulais comparais "se prostituer, en ayant forcément un client qui permet de le faire" avec "se droguer, en ayant forcément un dealer qui permet de le faire". Ceci dit le flux d'argent ne va pas dans le même sens, pas sûr que la comparaison soit judicieuse.Araignée a écrit:
Pour le coup, je suis pour la dépénalisation de toutes les drogues. Mais on n'est absolument pas dans le même registre. Les prostituées ne sont pas des produits, contrairement aux drogues qui s'en fichent bien qu'on se les gobe, sniffe ou injecte.
C'était un HS très intéressant, qui va au-delà de ce que je pensais des drogues (à priori, l'idée de dépénaliser certaines drogues très addictives ne m'aurait pas traversé l'esprit, je pensais plutôt aux produits de bisounours cités plus haut ).
Et contrairement à ce qui se passe avec la réglementation de la prostitution, dans les pays où les drogues sont dépénalisées (voir le Portugal par exemple), on se retrouve avec moins d'overdoses, moins de soucis de santé, moins de contaminations par VIH/hépatites, et même... moins de consommateurs. Parce qu'en réalité, la pénalisation des drogues contribue à une diabolisation qui n'a pas vraiment lieu d'être. On peut consommer n'importe quelle drogue avec modération et réduction des risques, et ce n'est pas plus risqué au final que la pratique d'un sport dangereux (genre le parapente, qui n'a rien d'illégal). Bien sûr, il y aura toujours des consommateurs problématiques (comme il y a des alcooliques malgré la légalité de l'alcool), mais en supprimant l'idée toujours véhiculée que les drogues sont un truc de paumés auto-destructeurs qui vont vous transformer en zombie, on cessera d'inciter insidieusement les jeunes paumés auto-destructeurs à foncer dedans tête baisser, et les consommateurs le seront pour des raisons plus saines (de la curiosité à l'envie de mieux se connaître en passant par l'auto-apaisement de douleurs psychiques).
Fin bref, désolée pour le HS.
Possible, je connais quelqu'un qui a un vécu proche du tien, de ce que j'ai pu lire sur le forum. T'es écrivain et t'aimes les bestioles, et le monde est petit ?
(Et sinon, je connais un Grunt de près, ce ne serait pas toi ?)
- cleindoAncien⋅ne
- Messages : 2926
Date d'inscription : 20/01/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 22:37
En vous lisant, il me semble complètement utopique de penser trouver une solution. Si y en avait UNE bonne et des mauvaises, ça se saurait...
La prostitution recouvre des situations extrêmement variées, et proposer la même réponse à une fille séquestrée-sans papier-tabassée, à une étudiante qui préfère se prostituer de temps en temps pour vivre plus confortablement, à une prostituée indépendante mais sans autre horizon professionnel, fatalement, ça convient pas, ça PEUT PAS convenir!
Le budget alloué au pb est simplement ridicule (j'avais calculé qu'en gros ça fait 240€/an/prostituée). Alors quoi? on coupe les sources de revenu à de nombreuses, en leur disant que tout vaut mieux que ça?
Pour moi c'est un peu comme d'ôter une jambe de bois artisanale, bancale à un cul de jatte , en lui disant que personne n'a à supporter ça, mais en rajoutant "ah non au fait désolé, on n'a pas les moyens de t'en donner une correcte hein, mais spa grave, tu te déplaces plus mais au moins tu as retrouvé ta dignité". Un peu pareil pour moi...
Je comprends +++ qu'on veuille absolument faire quelque chose pour lutter contre la prostitution hyper contrainte, violente, qui met la santé, la vie en danger. Mais celle là, elle est liée aux réseaux du banditisme, mais il me semble alors plus judicieux de lutter plus efficacement contre ce banditisme. Parce qu'en plus le client qui va baiser une toute jeune nana qui pisse à moitié le sang, a des cocards partout, parle pas un mot de français etc, bref, une nana dont il sait pertinemment qu'elle est contrainte, la loi, il s'en tamponne allègrement.
Je comprends également bien les propos de Lady pora et de Grunt quant à l'aspect moral, moralisateur qu'on peut aisément voir.
Conclusion: sin on attend que tout le monde soit d'accord, on a tout intérêt à prendre un siège confortable
La prostitution recouvre des situations extrêmement variées, et proposer la même réponse à une fille séquestrée-sans papier-tabassée, à une étudiante qui préfère se prostituer de temps en temps pour vivre plus confortablement, à une prostituée indépendante mais sans autre horizon professionnel, fatalement, ça convient pas, ça PEUT PAS convenir!
Le budget alloué au pb est simplement ridicule (j'avais calculé qu'en gros ça fait 240€/an/prostituée). Alors quoi? on coupe les sources de revenu à de nombreuses, en leur disant que tout vaut mieux que ça?
Pour moi c'est un peu comme d'ôter une jambe de bois artisanale, bancale à un cul de jatte , en lui disant que personne n'a à supporter ça, mais en rajoutant "ah non au fait désolé, on n'a pas les moyens de t'en donner une correcte hein, mais spa grave, tu te déplaces plus mais au moins tu as retrouvé ta dignité". Un peu pareil pour moi...
Je comprends +++ qu'on veuille absolument faire quelque chose pour lutter contre la prostitution hyper contrainte, violente, qui met la santé, la vie en danger. Mais celle là, elle est liée aux réseaux du banditisme, mais il me semble alors plus judicieux de lutter plus efficacement contre ce banditisme. Parce qu'en plus le client qui va baiser une toute jeune nana qui pisse à moitié le sang, a des cocards partout, parle pas un mot de français etc, bref, une nana dont il sait pertinemment qu'elle est contrainte, la loi, il s'en tamponne allègrement.
les clients de quel type de prostitution? (pi les déclarations de potentiels qui SI ils risquent feront sans doute blablabla.... c'est comme les fumeurs qui disent qu'à la prochaine augmentation ils arrêtent.... ça a jamais arrêté personne)pierregr a écrit: la plupart des clients potentiels disent que s’ils risquent une amende ou la prison, ils arrêteront d’être clients.
Je comprends également bien les propos de Lady pora et de Grunt quant à l'aspect moral, moralisateur qu'on peut aisément voir.
et les prostituées qui réclament le droit de se prostituer, on fait quoi? Même question....Jezebel a écrit:Et quand ce sont des prostituées ou des ex-prostituées qui réclament elle-même l'abolition, on fait quoi?
Parce que qui décide ce qui est juste et injuste? Et là on retombe sur ce que je dis plus haut: certains vont répondre qu'on ne peut pas dire qu'une ado mise en esclavage sexuel ce soit juste et c'est vrai. Mais ce n'est pas toujours ce cas là (ouf) et d'autres répondront qu'une nana qui préfère ouvrir les cuisses plutot que d'aller se faire peloter par un petit chefaillon pour toucher un demi smic a bien le droit de le faire si c'est son choix, et c'est vrai aussi.Jezebel a écrit:Pour finir, j'avoue que je suis vraiment fatiguée de lire, encore et encore, les même accusations de moralisation. En quoi vouloir une situation plus juste est moralisant, exactement?
juste au passage: le piercing bénéficie d'une tolérance, et le sm aussi, dans une certaine mesure, mais non, ce n'est pas légal.Grunt a écrit:Il est légal de refuser l'acharnement médical, il est légal de se faire tatouer/percer le corps, il est légal de se faire circoncir, il est légal de se faire stériliser, il est légal de subir des violences dans le cadre d'une relation sado-masochiste.
Conclusion: sin on attend que tout le monde soit d'accord, on a tout intérêt à prendre un siège confortable
- AraignéeAncien⋅ne
- Messages : 4550
Date d'inscription : 02/09/2012
Re: La prostitution n'est pas un métier
04.09.12 23:56
Grunt a écrit:
Edit: ah, ou alors t'es écrivain et t'aimes les bestioles, et le monde est petit.
En effet, le monde est petit ! Pour le reste, je répondrai demain, là je suis claquée.
Page 2 sur 33 • 1, 2, 3 ... 17 ... 33
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum