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12.05.14 2:19
Ma mère m'a acheté un livre, en fait la revue Les Temps modernes (créée par Sartre et Bauveoir), cette année consacrée aux Roms, et dont le titre est "Les Roms, ces Européens".

Et pour commencer en beauté (le livre entier est passionnant), tout le début est consacré au féminisme Rom et Gitan.

Donc j'ai envie de partager cette lecture avec vous en vous proposant un compte-rendu (que je n'ai pas encore écrit, désolée). Ca vous intéresse ?

Pour vous donner un avant-goût, juste une remarque un peu surprenante : tout comme les autres mouvements politiques "tsiganes" (par exemple la création de l'Union Romani Internationnale), et même plus encore que ces autres mouvements politiques, le féminisme tsigane est très peu connu (voire même totalement inconnu) en France parce que... et bien parce qu'il est né, s'est développé et épanoui à l'Est, à l'époque où le monde était séparé en deux. Le féminisme rom est né grâce au bloc communiste, qui pour les Roms était une chance. A l'Ouest, le capitalisme dont les Tsiganes étaient les grands perdants leur a surtout appris à se taire et rester discrets. A l'Est, la prolétarisation les a enrichis, économiquement, socialement et politiquement (faut savoir qu'en Roumanie ils et elles étaient esclaves jusqu'en 1857 !). Paradoxalement, c'est ce qui a permis à de nombreux Roms, et à pas mal de femmes Roms aussi, d'accéder à de hautes études, plus facilement qu'à l'Ouest.

Seules exceptions : l'Espagne et dans une moindre mesure, le Portugal où à défaut de véritables mouvements féministes Roms et Gitans, il y a eu des mouvements de femmes Gitanes.


Un autre truc qu'il me semble utile de dire aussi : l'auteure (Claire Auzias) déplore le fait que les féministes gadjé (non-Roms) ne s'intéressent pas aux féministes Roms, qu'il n'y a aucun pont entre elles et nous, aucune discussion, aucun échange. C'est du surtout au fait que les féministes Roms n'écrivent pas (d'une part parce qu'elles sont dans l'urgence de l'action, et d'autre part parce que nombre de Roms et nombre de femmes Roms ne savent ni lire ni écrire, et pour ne pas réserver la parole à l'élite alphabétisée, tout se fait à l'oral ; d'ailleurs c'est une culture de tradition orale). C'est peut-être du aussi, malheureusement, à l'idée qu'on se fait trop souvent des Roms à travers les préjugés : peuple englué dans des traditions patriarcales et machistes, l'existence du féminisme rom ne vient même pas à l'idée de certain(e)s...
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12.05.14 9:32
Intéressant! Smile
Je ne connais rien au féminisme rom,c'est dommage qu'on en parle jamais ... je vais suivre attentivement le topic pour en apprendre plus!
pierregr
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http://www.norme-du-glabre.ct-web.fr/

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12.05.14 9:34
Merci Araignée, c'est très intéressant  I love you 
Vénus
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12.05.14 10:49
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Dernière édition par Lollipop le 08.10.14 10:04, édité 1 fois
Tilleul
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Le féminisme Rom Empty Re: Le féminisme Rom

12.05.14 11:16
Je connais mal l'histoire des rom mais Araignées, tu es sur que le bloc communiste était une chance pour les rom ?
Il me semble que des les années 30, il y a eu pas mal de répression du régime envers les populations rom.

A Bruxelles la situation des Rom (Même s'il est difficile de savoir qui appartient vraiment ou non à cette communauté)  m'interpelle beaucoup, surtout concernant leurs enfants et leur scolarité.

J'ai l'impression que l'état ne se bouge pas beaucoup pour régler la situation, surtout celle des enfants.
(Bien qu'un ami assistant social m'a parlé d'offre de logement sociaux que certaines communes mettaient à leur disposition, dans l'optique de les "sédentariser")

J'ai peut être des préjugés, mais à Bxl je ne vois dans leur groupes que la reproduction d'un système patriarcal (Pratiquement mafieux) exploitant les membres (Surtout les femmes et enfants) et leur empêchant de s'émanciper (par la scolarité par exemple)
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12.05.14 11:52
Pourquoi faudrait-il sédentariser les roms ? Est-ce que les Roms ont envie d'une vie sédentaire ? Parce que dans ce cas ok, mais sinon c'est très intolérant.

Je vais suivre le sujet aussi, merci de le proposer Araignée Smile
Tilleul
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Le féminisme Rom Empty Re: Le féminisme Rom

12.05.14 12:15
Je n'ai jamais dit cela, c'est une mesure non obligatoire proposé par certaines commune belge. Libre à chacun de juger cette mesure.

Il reste à voir également dans quelle proportion les communautés Rom sont encore nomade. Je manque cruellement d'info à ce sujet en Belgique.
Ciel
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12.05.14 13:46
Les Rroms sont sédentaires pour une très large partie d'entre eux Drärk, notamment ceux qui viennent de Roumanie Smile
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12.05.14 14:01
J'en doute pas Ciel, en fait je n'ai jamais considéré le peuple Rom comme non-sédentaire, mais en France iels sont vu-e-s ainsi. Mais je suppose que de se faire éjecter de partout ça doit pas aider à rester dans la même maison à vie Rolling Eyes
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Le féminisme Rom Empty Re: Le féminisme Rom

12.05.14 14:17
Évidement, que durant les décennies qu'a perduré le bloc communiste et selon les pays, il y a eu, comme partout, des répressions terribles vis à vis des Roms (surtout dans les années 40... où 500 000 Roms vivant en Europe ont subi l'Holocauste).

L'association d'idées Roms = nomades tient, surtout de nos jours, plus du préjugé qu'autre chose. 98% de la population tsigane mondiale est sédentaire (en grande partie à cause de sédentarisations forcées). Absolument tous les Roms d'Europe de l'Est (Balkans, Roumanie, Bulgarie...), que ce soit ceux qui restent dans leur pays ou ceux qui émigrent à l'Ouest sont sédentaires. Il ne faut pas confondre nomadisme (mode de vie traditionnel des Manouches et Gitans, mais aussi des Yéniches, qui a tendance à disparaître), migrations, et mobilité forcée par les innombrables expulsions...

Tout comme d'ailleurs il ne faut pas confondre criminalité liée à la pauvreté (elle-même due à des siècles de discriminations) et culture. Les mafias (qui existent, mais sont loin d'être la norme !) n'ont rien de culturel !

Les femmes qui font la manche avec leurs enfants sont parfois, il est vrai, exploitées par des mafias (mafias tenues par des Roms et des non-Roms). Mais dans la majorité des cas, ce sont simplement des femmes (et des hommes) n'ayant pas de logement fixe (à cause des expulsions et des discriminations) et qui donc n'ont pas d'autre choix que d'amener avec elles leur enfant. Ou des enfants en bas âge (dans la culture rom, les enfants tètent jusqu'à 5 ou 6 ans, dorment jusqu'au même âge avec leurs parents, et il est inconcevable de les laisser avec des inconnus - par exemple à l'école - avant cet âge-là (ça tombe bien, en France, l'instruction est obligatoire à partir de 6 ans). Quant aux enfants plus âgés, ils accompagnent souvent leurs parents de leur plein gré (la mendicité étant considéré comme un travail comme un autre, pour les Roms, ce n'est pas plus choquant que d'être boulanger ou épicier et laisser son enfant servir les clients parce que ça lui fait plaisir et qu'il y gagne en plus son argent de poche).

Pour ce qui est de la scolarité : je n'ai jamais, jamais croisé de parents Roms refusant de mettre leurs enfants à l'école (du moins après l'âge de 5 ans... et dans certaines familles encore trop portées sur des "traditions" vieilles en fait d'à peine 50 ans, jusqu'à l'âge du mariage précoce, c'est à dire environ 15 ans : phénomène auquel justement se sont attaquées en premier lieu les féministes Roms).

Les seuls obstacles à la scolarité des enfants sont ceux dus à la politique pratiquée en France. Politique copiée sur celle des Etats-Unis vis à vis de l'imigration et nommée là-bas "self-deportation". Le principe est de rendre la vie des immigrés tellement invivable, en leur bloquant l'accès au travail (il faut savoir qu'avant le 1er janvier 2014, les Roumains et Bulgares vivant en France, majoritairement Roms, n'avaient le droit de pratiquer qu'une liste très restrictive de métiers, pour lesquels en plus ils devaient fournir une tonne de documents administratifs qu'évidemment, les administrations mettaient un temps fou à fournir), à la santé (ceci étant le cas surtout aux USA, puisqu'en France il reste quand même des garanties à ce niveau, même pour les immigrés sans-papiers ; n'empêche que Médecins du Monde a quand même dénoncé la précarisation extrême de la santé des Roms en France, précarisation due à cette politique de "self-deportation"), au logement, aux aides sociales et... à l'éducation. Le but étant que leur vie devienne si invivable qu'ils retournent dans leur pays d'origine (s'ils et elles ne sont pas mort(e)s avant...).

Tout doit être pensé au prisme de cette politique, sinon la pensée est biaisée. Pour exemple, il y a une loi en France qui oblige les services de voirie à ramasser les poubelles de n'importe quelle habitation, même illégale et même habitée par des immigrés illégaux, pour une simple et logique question d'hygiène. Mais les campements roms n'ont pas droit ce service (enfin, dans la loi si, mais dans les faits, non). Le but étant de rendre ces campements "insalubres" afin de justifier leur "démantèlement", tout en faisant croire que c'est dans la culture voire la nature des Roms d'être sales (il faut être entré dans une baraque de bidonville rom pour se rendre compte de l'inconsistance de ce préjugé) et ainsi renforcer le racisme des populations pour rendre la vie des Roms encore plus invivable et justifier qu'on les traite comme des sous-humains (ce qui est déjà largement le cas, si on y regarde de façon objective...).



Donc, pour ce qui est de la scolarité des enfants, on se heurte à deux (en fait même trois) problèmes (qui encore une fois ne sont pas le fait des Roms, qui ne sont pas stupides et savent bien que le meilleur moyen de donner une chance de s'en sortir  leurs enfants, c'est l'instruction ; et quand on sait quel est le statut des enfants dans cette culture et à quel point tout tourne autour d'eux...). Le premier problème étant la mobilité forcée, les expulsions à répétition, les "solutions de relogement" qui sont en fait des hébergements dans des hôtels pour quelques jours (et après... plus rien), et très souvent à des kilomètres de l'école. Résultat : quand les enfants ont 60 kilomètres à faire pour se rendre dans l'école où ils et elles sont inscrits, fatalement, ils et elles n'y vont plus. Et les rares fois où les solutions de relogement sont pérennes, c'est bien souvent très loin de l'école, avec là aussi des kilomètres à faire, souvent à pied, pour s'y rendre...

Le deuxième problème, c'est l'inscription à l'école en elle-même. Politique de "self-deportation" oblige, nombre d'écoles refusent l'inscription à ces enfants sur des motifs plus ou moins fallacieux ("vous êtes SDF et ne dépendez donc d'aucune école", "ils parlent pas français et vont retarder les autres", "il faut fournir tel ou tel papier que vous n'avez pas", "enfants pas vaccinés", etc). Ce qui est illégal aussi, mais quand on a affaire aux affaires des Roms, on se rend vite compte que la loi n'existe pas pour eux (sauf bien sûr quand elle permet de leur mettre des bâtons dans les roues... dans l'Essonne des Roms ont reçu des amendes parce que... ils n'avaient pas de plaques d'identification sur leur vélo. Vieille loi plus appliquée nulle part mais jamais abrogée, et ressuscitée pour les besoin de la "self-deportation"...).

Enfin, quand on vit dans un bidonville sans eau ni électricité et qu'on a presque pas d'argent pour acheter chaussures et vêtements, difficile d'aller tous les jours à l'école et étant propre et net de corps et de vêtements. Ca peut avoir l'air con dit comme ça, mais le fait est que dans la culture Rom, se présenter sale, ça se fait pas. Donc entre aller à l'école avec des chaussures pleines de boue et les cheveux gras ou ne pas y aller, le choix est fait de ne pas y aller (ce serait la honte pour toute la famille sinon...).



Malgré cela, il y a heureusement quand même nombre d'enfants qui sont scolarisé(e)s. Et pour en revenir au féminisme, il est clair que l'avenir de cette génération d'enfants d'immigrés Roms vivant en France repose en très grande partie sur les filles. Car vis à vis de l'école, majoritairement, les garçons s'en fichent un peu et font souvent l'école buissonnière, mais les filles, elles, sont archi assidues et brillantes... Demain ce seront ces filles devenues femmes qui accéderont à l'ascenseur social et enrichiront (culturellement, économiquement, socialement...) à la fois leur communauté et "notre" pays. J'ai largement confiance en elles pour y arriver !
Anonymous
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12.05.14 14:51
J'me suis toujours dit que pouvoir avoir accès à une salle de bain dans les établissements publics devraient être obligatoires pour les personnes le souhaitant. C'est pas par rapport aux Roms en fait, mais je trouve normal de pouvoir se laver et se sentir propre, en effet quand on est pauvre, c'est pas toujours facile de se présenter (parce que la sentence sociale est terrible dans ces cas-là).

Le coup d'interdire aux Roms l'accès à certains métiers, cela me rappelle avec effroi quand les Juifs ont subi la même interdiction en Allemagne (et aussi en France il me semble). C'est juste dégueulasse.

Et en effet, venant d'une culture où les enfants semblent tellement aimés, il me paraît étrange que les parents refusent l'accès à l'école. Savoir lire, écrire, compter et autre c'est hyper important pour s'en sortir. Et pas juste les bases d'ailleurs, les bases de l'éducation ça me fait l'effet de faire la charité aux "ignorants" et ça me gave très vite.
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12.05.14 14:53
Il existe des douches publiques il me semble,mais elles ne doivent pas etre gratuites..

Anonymous
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12.05.14 15:26
A Toulouse les douches municipales sont tarifiées à 1€ d'après ce que je viens de lire sur le net, mais on en a pas partout, selon la taille de l'agglomération il n'y en aura pas forcément.

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12.05.14 16:35
Les femmes Roms, entre institutions et mouvement
Claire Auzias pour Les Temps modernes.


Une classe moyenne rom
Émergence de cette nouvelle classe moyenne rom dans les pays de l'Est. Contrairement à une idée assez répandue, les Roms qui émigrent vers l'Ouest (en particulier ceux de Roumanie et de Bulgarie) ne sont généralement pas les plus pauvres, trop pauvres pour se payer le voyage, mais ceux issus de cette classe moyenne. Certains viennent pour s'installer durablement, d'autres pour faire face à des dépenses "exceptionnelles" (mariage, soins médicaux...) ou se construire une maison au pays.
Ceux qui viennent de l'ex-Yougoslavie fuient les effets persécutoires qu'ont eu les guerres sur leur communauté (bouc-émissaires des nationalismes des Balkans). Eux sont parfois issus des classes plus pauvres.
Il existe aussi, comme dans toute population, des Roms très riches (et comme dans toute population, ils sont très peu nombreux). Eux aussi restent au pays.

Cette classe moyenne est souvent urbaine et relativement instruite.

Le régime communiste a prolétarisé les Roms, hommes comme femmes. Prolétarisation massive n'ayant pas eu lieu à l'Ouest.
Donc à l'Est, les femmes ont acquis un travail et donc de l'argent qui leur était propre et plus d'indépendance vis à vis des hommes.
De plus, à l'Est, il y a eu des politiques incitant à l'égalité ethnique et de genre qui ont permis à certaines femmes Roms d'accéder à des emplois de cadres, médecins, journalistes... Certaines étaient activistes du régime communiste et/ou des droits civils.

Les femmes dans le mouvement des droits civils
Parmi ces femmes activistes, après la chute du communisme, certaines se sont mises à militer spécifiquement pour les droits des Roms.
Les mouvements politiques et sociaux roms les plus actifs et avancés sont tous en Europe de l'Est, dans les anciens pays communistes. Expression publique et sociale favorisée par l'habitude du militantisme communiste où les femmes Roms étaient largement présentes.

Maria Ionescu : activiste Rom Roumaine née dans un village, elle s'est rendue à Bucarest à l'époque du communisme, en tant qu'activiste "révolutionnaire". Ensuite, après la chute du bloc communiste, son activisme s'est porté sur le droit des Roms, et enfin sur le droit des femmes Roms et sur le féminisme. Trajectoire-type de ces femmes.

Dans les années 1990, en Roumanie, nombre de femmes se sont battues au côté des activistes hommes contre les pogroms lancés contre les Roms. Luttes politiques, sociales, judiciaires. Luttes concrètes face à des violences concrètes, qui ont formé ces femmes à l'activisme de terrain. Certaines en sont restées à ces luttes pour les droits des Roms, d'autres se sont plus tard "spécialisées" dans les luttes pour les droits des femmes Roms.

Le rôle des institutions
Nouveau tournant : crédits occidentaux d'une part, crédits d'instances officielles roms d'autre part (Union Romani Internationale), pour aider ces activistes Roms (1993).
Les activistes deviennent salariés et salariées. Le nombre de femmes activistes augmente encore. Beaucoup deviennent assistantes sociales (grâce à des quota de Roms et de femmes imposés dans les universités) et aident les Roms les plus pauvres.
Autres employeurs : les associations caritatives.
Ces femmes se battent encore pour les droits des Roms et pas encore pour les droits des femmes Roms.
L'écart avec les Roms de l'Ouest et en particulier les femmes Roms de l'Ouest (ou quasi aucune n'accède à ce genre de métiers et de positions d'activistes naotionales et internationales) se creuse encore plus.

Fin années 1990, enfin, ces femmes activistes commencent à se pencher sur les droits des femmes Roms. L'initiative ne revient pas à ces femmes elles-mêmes, mais comme elles sont en relation avec les instances européennes, elles sont introduites à ces questions par d'autres femmes, occidentales, qui connaissent le féminisme.

1994 : premier congrès rom de l'Union Européenne, Séville. Un appel est lancé aux seules femmes Roms pour qu'elles se regroupent en non-mixité (de genre et d'ethnie). Appel lancé par trois femmes Gitanes (Jovhanna Bourguignon, française, Ana Giménez et Carmen Carrillo, espagnoles). Appel auquel de nombreuses femmes Roms ont répondu présentes.

1995 : "l'Audition des femmes tsiganes". Assemblée, cette fois-ci mixte, convoquée par le Conseil de l'Europe spécialement pour les femmes Roms. Là encore, elles étaient nombreuses. Elles furent invitées à témoigner chacune de leur vie. Là, la plupart de ces femmes n'étaient absolument pas activistes, elles s'exprimaient en public pour la première fois. Des heures durant, ces femmes, dont beaucoup étaient analphabètes, ont pu parler d'elles, en langue romani, devant d'autres femmes Roms et ainsi comprendre que nombre de leurs questionnements, espoirs et revendications étaient partagés par d'autres femmes Roms. Ce n'étaient pas encore des revendications internes (vis à vis de leur propre culture), mais elles ont pu s'inscrire dans la problématique des "Droits de l'Homme".

2003, encore le Conseil de l'Europe (l'Europe, c'est une grande chance pour les Roms). Il héberge l'International Roma Women Network, fondé quelques années avant. C'est là qu'est décidée une rencontre tous les deux ans.
Le mot "féminisme" est prononcé, sous forme de question. Sommes-nous un réseau féministe ou non ? La réponse, après de nombreuses discussions où bien sûr tout le monde n'est pas d'accord : les femmes Roms ne peuvent faire leur le féminisme occidental parce qu'il impliquerait une opposition entre femmes et hommes, ce qui affaiblirait le peuple rom et ses revendications en tant que peuple., et marginaliserait les femmes. En outre, pour quelques unes, féminisme = lesbiannisme, et ce serait contraire aux traditions roms Rolling Eyes
Elles traitent donc de droits des femmes et d'égalité, mais de façon plan-plan, sans jamais toucher aux problèmes internes aux traditions roms. Elles traitent aussi de discriminations vis à vis des Roms et des femmes Roms, mais venant uniquement des gadgé. Forcément, une fois énumérés les droits fondamentaux (pas de discriminations, droits à l'éducation, à la santé, droits sociaux...) déclinés au féminin, comme il y a tout un pan qui reste tabou, les débats tournent vite en rond. Le Réseau s'essouffle. Néanmoins, son existence a permis à énormément de femmes Roms activistes de se rencontrer. De plus, elles demandent quand même, même si mollement, l'égalité des hommes et des femmes, ce qui a une répercussion sur la façon dont se déroulent les vies de familles. Comme c'est organisé par l'Europe, les hommes acceptent la légitimité des revendications.

D'autres associations de femmes Roms, nationales celles-ci, naissent dans les pays de l'Est, grâce à l'existence de ce Réseau international.

Un féminisme Rom
De ce bouillonnement de groupes, d'activistes, de femmes à haut potentiel économique, politique et social, le féminisme Rom finit donc par naître.

L'UNICEF commande une étude à deux féministes Roms :
- Nicoleta Bitu, féministe Rom Roumaine, directrice de l'ONG Romano Boutiq (Le Travail Rom) qui réhabilite l'artisanat traditionnel rom. Elle est docteur en sciences sociales de l'université de Bucarest et spécialiste du féminisme rom.
- Crina Marina Morteanu, également féministe Rom Roumaine, coordinatrice régionale de la fondation ERSTE pour l'Intégration sociale en Roumanie et en République de Moldavie.

Cette étude se penche sur le problème le plus grave aux yeux de ces deux femmes : le phénomène des mariages précoces.
Dans certaines familles roms se perpétuent les mariages arrangés entre jeunes adolescents (en moyenne 13 ans !). Les jeunes filles sont arrachées à l'école pour devenir épouses, femmes au foyer et très vite, mères. Parfois, dans les cas les pires, elles deviennent les esclaves de leur belle-famille.

La crise économique a empiré ce phénomène : les fillettes sont mariées encore plus jeunes pour servir au développement économique de leur belle-famille...

Pour Nicoleta Bitu et Crina Marina Morteanu, la culture et les traditions ne sont pas une raison valable pour faillir aux droits des humains, des femmes et des enfants. Ces droits sont inaliénables. Tout manquement au développement des enfants doit être sanctionné. Après la puberté, toute répression de la liberté sexuelle doit être sanctionnée aussi. La scolarité doit être respectée et soutenue, même à l'adolescence, pour les filles comme les garçons (avec une attention particulière portée aux filles).
Elles sont par contre persuadées que si la lutte contre ce genre de traditions est primordiale, cette lutte doit venir des Roms et non des gadgé. Pour elles, c'est aux Roms de lutter contre ce qu'il y a de néfaste dans le romanipen (l'art de vivre, la culture rom) mais ils et elles doivent le faire, c'est impératif. Tant pis si ça implique de dissoudre une partie de cette culture : les droits humains priment pour tout le monde, Roms y compris. Si on peut raisonner les gens, tant mieux, s'il faut sévir : on sévira.

Dans les années 2000, d'autres voix féministes Roms voient le jour.

Enissa Eminovska, macédonienne, se bat aussi contre les préjugés et les traditions sexistes de sa propre culture. Accusée d'homosexualité par sa communauté, elle a même été expulsée d'une réunion sur ce prétexte.

"Naît" la notion de "phenjalipe" (littéralement : "sororité"), bien sûr puisée dans le féminisme occidental gadjo (mais tout ce qui a un nom rom devient rom, c'est comme ça). Le terme est créé par Nicoleta Bitu.


La suite demain.


Dernière édition par Araignée le 12.05.14 16:54, édité 1 fois
Ciel
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Le féminisme Rom Empty Re: Le féminisme Rom

12.05.14 16:39
Surtout quand on voit ce que représente la population Rrom en France, pas grand chose faut être honnête, je ne comprends pas qu'on ne mette pas le paquet pour les intégrer.
Enfin en ce moment, les Libanais ont 1,5 millions de réfugiés syriens sur leur sol et ils sont loin de geindre autant que ceux qui se plaignent de nos quelque milliers de Rroms.
L'Ukraine est en train d'imploser et je vous fous mon billet que demain on va avoir des réfugiés ukrainiens chez nous également. Et on va faire quoi? On va les coller sous les ponts aussi? Et on trouvera des trucs racistes à dire sur les slaves?
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12.05.14 17:48
Drärk a écrit:
J'me suis toujours dit que pouvoir avoir accès à une salle de bain dans les établissements publics devraient être obligatoires pour les personnes le souhaitant.
Ce n'est pas très réalisable dans les écoles.
Par contre, il existe à beaucoup d'endroits des douches publiques (effectivement payantes).

Une de mes élèves est régulièrement sale à l'école. Je lui en ai parlé à plusieurs reprises, lui ai dit que si elle avait besoin d'aide, elle pouvait m'interpeller ou le PMS ou le PSE (des structures présentes dans l'école) sans succès. le souci est que sa maman ne parle guère français et a tellement d'autres soucis. Bref, parfois on a envie d'aider mais on est démuni.  :s

Merci Araignée.
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12.05.14 22:09
Merci de ton initiative Araignée, je viens d'apprendre qu'il existait un féminisme rom !
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Le féminisme Rom Empty Re: Le féminisme Rom

13.05.14 15:38
Des éléments généraux sur l'histoire des "Tsiganes et des gens du voyage" par Elisabeth Clanet (qui a travaillé de nombreuses années avec Jovhanna Bourguignon), chargée d’études à la DGESCO (Direction générale de l'enseignement scolaire) sur la scolarisation des enfants issus de familles itinérantes et de Voyageurs et chargée de mission au CNED.
Il y des parties sur l'histoire des Roms.



et merci Araignée, c'est super intéressant
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18.05.14 20:42
Je me permets d'inclure ce lien : http://sanscompromisfeministeprogressiste.wordpress.com/2014/05/18/rroms-feministes-et-la-defense-de-leurs-droits-en-espagne/
Araignée
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Le féminisme Rom Empty Re: Le féminisme Rom

18.05.14 22:04
Merci pour le partage, Flamme Smile

Promis, je vous écrirai la suite du compte-rendu de l'article (c'est pas que j'ai oublié, juste que ma fainéantise et ma procrastination prennent le dessus).
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19.05.14 21:48
salut, merci pour l'article, c'est intéressant de voir plusieurs informations sur le sujet.
Seul bémol, l'article est mal traduit (ici l'original en espagnol castillan). En effet, le mot gitanas est traduit systématiquement par rom. Or les Gitans et les Gitanes ne sont pas des Roms, mais... des Gitan-e-s; Roms et Gitan-e-s sont des populations qui ont les mêmes origines, mais dont l'Histoire est très différente, et ce depuis le 14e siècle.

Araignée
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19.05.14 22:16
En fait, c'est plus compliqué que ça. Parce que Rom désigne à la fois les "Tsiganes" d'Europe de l'Est, mais aussi tous les "Tsiganes" des trois sous-groupes (Roms, Kalé et Sinté).

Gitans est le nom exogène (=donné par les autres) des Kalé, comme Manouches est le nom exogène des Sinté.

Ceci dit, je connais des Roms de l'Europe de l'Est qui traduisent "Rom" par "Gitan" en français. Ces trois sous-groupes sont le même peuple et partagent, à la base, la même langue (avec ses variantes).

Il n'est pas anodin d'ailleurs que "manush" (manouche !) signifie simplement "gens", "personne", "être humain" en romanès...
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19.05.14 23:04
oui, enfin, ça n'empêche que je pense pas que ce soit par parti pris politique que l'auteure ait traduit gitanas par rom.
Genre si les interviewées s'étaient définies elles même comme Rom ou Kalé, ou si encore elles avaient utilisés les différents noms et expliqué pourquoi, je veux bien, mais là c'est juste de l'ignorance et vu le flou qui existe et qui est bien entretenu concernant les roms, ben, ça vaut quand même le coup d'être précise.
Araignée
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20.05.14 0:10
Ah oui, mais absolument, je ne disais pas que tu avais tort, je précisais juste Wink
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20.05.14 1:53
Wink 
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