L'Espagne va restreindre le droit à l'avortement

D'ailleurs une équipe de roller derby française a fait justement une série de photos pour soutenir les femmes en lutte pour le droit de disposer de leur corps, justement en réponse à l'actualité.
https://www.facebook.com/media/set/?set=a.818099218219739.1073741829.196169470412720&type=1

Ca fait plaisir des initiatives comme ça.
Il faudrait que ça se multiplie.

Je fais remonter le sujet pour les dernières péripéties de la loi sur l'avortement en Espagne.

Comme vous l'aurez peut-être lu, la loi a été réformée : l'avortement des mineures entre 16 et 18 ans n'est possible qu'avec l'accord parental.

C'est évidemment un retour en arrière. Cependant, il faut bien avoir conscience que la loi sur l'avortement actuelle ne date que de 2010. Elle n'autorisait jusqu'ici l'avortement sans autorisation parental que pour les mineures de plus de 16 ans (en France par exemple, une mineure de 18 ans¹ peut demander un avortement sans autorisation quelque soit son âge). Je joins une infographie (castillan) sur l'évolution législative de l'avortement en Espagne, qui permet d'observer que les conservateurs souhaitaient en 2013 faire régresser la loi au statut de 1985 (avortement autorisé en cas de viol, ou risques médicaux pour la mère ou le foetus, autorisation parental pour les majeures de 16 ans). Ils ont partiellement réussi leur objectif avec cet amendement.


¹ Sur cette formulation, qui veut bien dire « personne de moins de 18 ans », voire les notes de cet article (TW : mention de pédophilie).

Ce que j'ai trouvé particulièrement choquant, c'est une des raisons données par une des sénatrices défendant ce retour en arrière, "rendre aux pères et aux mères la capacité de conseiller leur fille et d'être à ses côtés dans ce moment si difficile de sa vie".

C'est un chef d'oeuvre d'hypocrisie. En plus d'une attaque contre les droits des femmes, on confirme un peu plus l'idée que l'enfant est la propriété des parents. Ce gouvernement espagnol fait décidément beaucoup de mal.

Ah, mais c'est exactement les mêmes arguments utilisés contre la réforme de 2010 qui avait introduit cette notion d'absence de l'autorisation parentale.

Le gouvernement espagnol central¹ actuel, ah… Il faut bien comprendre que le parti au pouvoir, le Partido Popular (PP) est certes un parti conservateur, mais c'est surtout un descendant direct de la dictature franquiste.
Après la mort de Franco (dont on fêtera le 40ème anniversaire le 20 novembre), et pendant la transition du pays vers un État démocratique², différents anciens ministres franquistes ont fondé l'Alianza Popular (AP). En 1989, après des échecs répétés face au parti socialiste (PSOE) empêchant l'accès d'AP au pouvoir, le parti a été refondu et renommé Partido Popular.
Pas surprenant donc que le gouvernement PP soutienne ce genre de posture, surtout pour complaire son électorat le plus à droite et le plus ultra-catho.

Sur le catholicisme intégriste qui est toujours très lié à ces débats sur l'avortement, je rappelle que le fondateur de l'Opus Dei³ était espagnol, et que cette institution est très présente en Espagne, notamment chez les familles bourgeoises très pieuses et bien souvent influentes.
Rappelons que l'Église a des droits très étendus en Espagne, bien que l'État espagnol soit officiellement laïque, droits dont ne bénéficient pas les autres religions.

Bref, l'Église catholique a un pouvoir énorme en Espagne, et le PP est un de ses soutiens pour des raisons historiques.


¹ Central parce que l'Espagne est un état semi-fédéral et que chaque communauté autonome a son propre gouvernement, avec des partis propres à cette communauté.
² En tout cas dans les formes. Il y a beaucoup de choses à dire sur la transition démocratique espagnole, vendue comme modèle.
³ Et non, ce n'est pas un délire de Dan Brown dans son Da Vinci Code, mais une institution bien réelle.

Merci pour ces informations fort éclairantes.

Vraiment gentils, vraiment gentils, ça dépend sans doute avec qui... Les potes de mon cousin aussi ils étaient "vraiment gentils"... avec moi. Quand ils croisaient un Maghrébin, leur "vraiment gentillesse" disparaissait pour sortir les matraques et aller "casser de l'Arabe".

L'Opus Dei est lié, de plus ou moins près selon les pays, les régions et les groupuscules, aux gangs néo-nazi, partis d'extrême-droite et autres fascistes de tous poils. Historiquement, l'Opus Dei a été fondé par un type qui voyait Hitler comme un allié contre les vilains communistes, les méchants slaves et les dangereux juifs et qui était profondément franquiste (donc qui soutenait un parti fasciste qui a tué et torturé des milliers de personnes). Alors bon, leur gentillesse... c'est un peu comme parler de la gentillesse des membres d'Al-Quaïda quoi...

erulelya a écrit:

Iridacea a écrit:
³ Et non, ce n'est pas un délire de Dan Brown dans son Da Vinci Code, mais une institution bien réelle.

HS : Pour celleux qui ne les connaissent que via Dan Brown justement, j'ai eu l'occasion d'aller aux JMJ de 2005 avec eux, ce sont des gens vraiment gentils, j'insiste, mais porteurs d'une idéologie conservatrice effrayante et dangereuse, du genre séparer les hommes et les femmes pour les actes de la vie courante, virginité jusqu'au mariage, anti-contraception -malgré ce que le Vatican en dit- au point d'aller expliquer à des jeunes filles mineures que quand on aime quelqu'un on ne doit pas s'en protéger par un morceau de plastique parce que c'est un manque de confiance et un acte égoïste. Voilà un peu le niveau.

Sur la contraception, il faut quand même rappeler que l'Église dans son Catéchisme interdit d'utiliser des méthodes empêchant la procréation (au mieux, on peut avoir des relations pendant les périodes infertiles). Jean Paul II avait pondu une encyclique sur le sujet, il me semble.
Voir ce passage du Catéchisme sur l'amour des époux (je souligne) :

Vatican a écrit:2370 La continence périodique, les méthodes de régulation des naissances fondées sur l’auto-observation et le recours aux périodes infécondes (cf. HV 16) sont conformes aux critères objectifs de la moralité. Ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l’éducation d’une liberté authentique. En revanche, est intrinsèquement mauvaise " toute action qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation " (HV 14)

Et puis, l'amour physique avant le mariage n'est pas franchement encouragé ; le mariage reste un sacrement au même titre que le baptême, la confirmation, l'ordination des prêtres, la réconciliation (la confession des péchés) ou l'extrême-onction (la bénédiction des mourant-e-s).
Après, l'Opus Dei est un cas très particulier, avec des membres numéraires laïques (i.e. non religieux, ni prêtres ni moines ou bonnes soeurs) qui décident de faire voeu de chasteté ou renoncer à leur carrière civil si l'Oeuvre les appelle. C'est des intégristes parmi les intégristes.

@Araignée : oh, tous les cathos très cathos que j'ai pu connaître étaient adorables, par contre, il ne fallait pas être trop pro-avortement libre ou pro-lobby gay (qui existe réellement et veut détruire la famille n'est-pas ).
Cela dit, l'Opus a été fondée en 1928, avant l'avènement du fascisme en Espagne (putsch en 1936, gouvernement fasciste en 1939). Elle a été validée par l'évêché de Madrid dans les années 40, par le Saint-Siège en 1950.
Cela dit, c'est vrai que le putsch falangiste de 1936 a été soutenu par l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste (ce qui a aidé la victoire des putschistes face à la République espagnole, qui a été soutenue par que dalle). Curieusement, les premiers falangistes étaient anti-monarchistes et anti-cléricaux, le monarchisme et le pro-catholicisme sont venus après.

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Autre détail important sur l'Espagne, la majorité sexuelle est établi à 13 ans. Imaginez, pendant 5 ans de votre vie, on considère que vous pouvez avoir des relations sexuelles « libres » avec notamment des adultes, mais vous ne pouvez pas avorter jusqu'à vos 16 ans, et encore, vous devez demander l'autorisation de vos parents.

Oui, mais lorsqu'on présente un acte comme intrinsèquement mauvais, la ligne de conduite qui s'en dégage si l'on veut être un-e bon-ne croyant-e est assez claire.

Évidemment, ça ne veut pas dire que les croyant-e-s suivent nécessairement les prescriptions de leur Église, mais les plus traditionalistes (comme l'Opus donc) en tiendront compte.