L'injonction sociale d'être cultivé

Je crée ce fil pour éviter d'alimenter le HS de l'autre fil.

Quelle pression vous met votre entourage pour que vous soyez cultivés ? Quelles connaissances attendent-ils de votre part ? Que se passe-il lorsque ces connaissances vous font défaut ? Comment le ressentez-vous ?

Omniia a écrit:@Cylia : Oui je crois que c'est lié... J'ai souvent peur de me retrouver dans des situations où on verra qu'en fait, j'suis très peu "cultivée"... Et plus j'avance dans mes études, plus on en attend de moi à ce niveau... Ou plutôt, plus on croit que si j'en suis arrivée là, c'est en gros partie parce que je suis cultivée. Sauf que non.
Du coup je sais pas exactement quel rôle ça joue pendant les échanges mais en tout cas ça ne me pousse pas à voir énormément de gens.

Au fait, attendent-ils de toi de savoir beaucoup de choses, ou bien de connaître le bagage culturel commun de ta promo (i.e. tout ce que les gens de ta promo sont supposés savoir).

Pour ma part, quelques connaissances m'avaient un peu raillé parce que je ne connais presque rien dans le milieu des acteurs et des chanteurs (les people).
Une autre fois, mon père s'était légèrement moqué de moi parce que je ne connaissais pas le nom des ministres. Et il avait dit que, plus tard, dans le monde professionnel, je serai mal vu si je ne les apprenais pas.
A part ça, je n'ai pas à me plaindre.

Ah si. En fait, j'ai aussi quelques profs qui s'attendent à ce que l'on soit des experts sur certains sujets qu'on n'a vus qu'à l'arrache avec un autre prof.

Moi je n'ai pas de pression pour ce qui est de me cultiver. Je sais très bien le faire à ma façon, je regarde où je peux, et j'apprends. Je suis autodidacte.
En revanche, on me fait très clairement comprendre que j'ai raté ma vie parce que je n'ai pas fait d'études. Il y a des choses qui me font défaut, c'est clair, mais pas tout, et il ne m'a pas été nécessaire d'aller à l'école pour en apprendre d'autres (l'anglais entre autre, que j'ai appris seule).

Je ne pense pas qu'on attende quelque chose de moi, ma mère par exemple, ne me juge pas sur ce critère. Ma famille au sens plus large, par contre, se fout allègrement de ma gueule tellement je ne suis pas un exemple de réussite sociale (comprendre pour eux : études de fou + travail de fou) mais s'ils attendent quelque chose de moi? Je ne pense pas, ils s'en foutent pas mal, ce qui compte c'est de pouvoir me pointer du doigt comme le mauvais exemple à ne pas suivre.
Enfin, je me fiche d'eux, je n'ai pas de contacts. J'avais retenté le coup parce que je me suis dit qu'il fallait essayer mais j'ai lâché l'affaire.

Ce qui se passe quand ces connaissances me font défaut? Ca dépend, parfois on attend pas de savoir si je ne les ai vraiment pas, le simple fait de savoir où je me suis arrêté sur le plan scolaire suffit à me penser sans connaissances.
Parfois, elles me font vraiment défaut, et alors là, je suis la risée. J'ai un exemple concret en tête :
Lors de mon stage théorique (je crois que c'est le nom mais je ne me souviens plus) pour le BAFA, je ne sais plus trop dans quelles circonstances, mais il fallait faire un tableau de proportionnalité (je crois mais mes souvenirs sont assez flous) et j'ai naïvement demandé en quoi ça consistait car je ne m'en souvenais plus. Et là, BAM. Oh mon dieu, je ne sais pas faire ce tableau, c'est pourtant niveau CE2, quelle imbécile au QI d'huitre je fais! Ca devrait pas être possible d'être aussi ignorant ! (on m'a balancé ça, pour de vrai -du moins pour la première partie de la phrase, le reste sentait néanmoins la même condescendance-) Je me suis énervée en disant à quel stade j'ai arrêté l'école, je n'aurais peut être pas dû, ça a été pire. Ca s'est terminé en sarcasmes d'agacement envers la personne qui m'a envoyé ça, tout le monde n'est pas aussi intelligent et cool que cette personne !

Je ne sais pas si il y a une injonction sociale à être cultivée, parce que je ne crois pas qu'il y a une et unique culture. Il y a des tas de cultures, et personne ne sait tout sur tout.

Je dirais qu'il y a une injonction à avoir la même culture que le groupe auquel tu appartiens, sous peine d'avoir des difficultés à s'intégrer.
Il y a une certaine culture au boulot, selon le métier exercé ; une certaine culture dans la famille ; une autre encore dans le groupe d'amis auquel on appartient. C'est quelque part indispensable, dans une certaine mesure, cela cimente les relations communes.
Si on ne partage pas une certaine culture commune, il me semble difficile d'avoir une réelle relation durable. Avant mon mariage, je suis sortie 3 ans avec un gars charmant, mais qui ne partageait pas du tout la même culture que moi ; on en pâtissait malgré d'autres points communs, et ça a fait partie des raisons de notre séparation (de mon fait, d'ailleurs, c'est surtout à moi que cette différence culturelle ne convenait plus).

+1 colcat sur le fait que les gens attendent une certaine culture de la part des autres. Et c'est bien ça le problème... L'idée qu'il existe une culture générale, genre universelle que tout le monde a ou devrait avoir.
Du coup il y a des connaissances ou activités qui sont totalement dénigrées. Genre, j'ai l'impression qu'autour de moi, quand on dit qu'on a lu un bouquin on est valorisé, on a fait une activité culturelle, par contre quand on dit qu'on a passé du temps à lire des blogs/articles/forum ça revient à dire qu'on a "glandé". Pareil quand on dit qu'on a essayé de comprendre comment faire des sites internet.
Bref y a des activités plus valorisée que d'autres et des connaissances aussi. Quand je prends du plaisir à lire des articles de Psycho par exemple, bah c'est pas valorisé vu que c'est mon cursus universitaire...

À part ça pour tes questions Polyvalentour, je pense qu'on attend de moi que j'aime lire certaines choses : des romans, les journaux d'information généralistes, etc., or, je n'aime pas franchement ça. Quand je dis que je n'aime pas lire de romans, tout le monde hallucine. Quand je dis que je vais pas souvent voir d'expos, pareil.

Du coup c'est pas juste une question de connaissances c'est aussi une question d'activités. Débattre avec des gens dehors c'est bien, débattre avec des gens sur la toile c'est nase.

Désolée ce que je dis doit être très confus. Mais c'est vraiment un truc que je vis super mal. Comme je le disais sur l'autre topic, j'ai été élevée avec la télé, mes "sorties culturelles" (ciné, expo, etc.) c'était uniquement avec l'école, les trucs que je lisais c'était uniquement pour l'école, le seul but de bosser ses cours c'était pour avoir de bonnes notes pour passer en classe supérieure. Du coup j'ai quasi toujours bien réussi, mais jamais plus jeune je n'ai eu le goût d'apprendre. Et bref j'ai pris le goût pour lire des trucs et apprendre des choses super tard, il y a quelques années, quand je suis entrée à la fac je pense.

Et par rapport à ce que mon groupe social considère comme le minimum au niveau de la culture (souvent c'est en histoire, littérature, musique, cinéma) bah je ne l'ai pas. J'ai plus de connaissances que d'autres dans d'autres domaines, mais qui ne sont pas valorisées. Et ce qui me gave c'est que ce n'est pas qu'ils trouvent intéressants et importants de connaître ces choses, c'est que c'est obligatoire ("Mais comment tu peux ne pas savoir ça ? C'est de la culture générale !"). Très peu ont été capable de me dire pourquoi il était important de connaître telle date ou de connaître le visage de tel chanteur...

Tout à fait, il y a des activités plus valorisées que d'autres, mais tout est relatif : ça dépend du groupe de référence.

Quoi Omniia, tu n'aimes pas les livres ??????? non mais j'hallucine   
Moi j'adore ça mais j'aime la science fiction, ce n'est pas une lecture pour les gens cultivés ça  

Bah pas pour tous les livres (genre j'aime bien les bouquins de "vulgarisation" scientifique) mais en ce qui concerne les romans j'ai pas encore appris à aimer . En fait c'est plutôt que quand je m'y mets, il m'arrive de me dire "en fait c'est trop cool", sauf qu'après j'ai jamais la motivation pour m'y (re)mettre... Enfin, j'ai pas du tout d'attirances pour les romans a priori disons, c'est vraiment un effort pour moi de commencer à en lire.

Omniia a écrit:
Très peu ont été capable de me dire pourquoi il était important de connaître telle date ou de connaître le visage de tel chanteur...

Je me faisais la réflexion tout récemment : à part pour répondre aux questions des émissions télé àlakon, ça ne sert à rien.

 

Je n'ai jamais vu sur personne, ni subi personnellement de pression pour me cultiver, je trouve qu'au contraire il y a une pression pour ne pas l'être ou pour s'intéresser à quelques trucs à la mode.

Bah ça s'intéresser aux trucs à la mode par exemple c'est aussi une injonction à avoir une certaine culture.

@omnia
Je ne trouve pas, la culture est extensive et touche à tout, selon moi. Non seulement il y a deux trois phénomènes à la mode par an, pas plus, mais certains domaines sont absolument toujours épargnés, l'économie en premier lieu.
On inculque bien des idées dominantes, le plus inoffensives et consensuelles possibles, mais personne ne pourra défendre l'idée que cela fait ne serait-ce qu'un embryon de culture.

Sinon effectivement, je brille en société et le fait que de m'intéresser à presque tout, à lire énormément me donne souvent un place à part, qui me permet de me rendre compte à quel point la curiosité intellectuelle et la lecture sont peu développés. Ce que permet de vérifier les chiffres sur la lecture. Vu mon capital culturel de départ, je ne peux m'empêcher de sourire, souvent, mais de pleurer habituellement.

Je ne vois pas bien le rapport avec le fait que des domaines soient épargnés. Personne ne peut dire qu'il a des connaissances dans tous les domaines...

Sinon, je comprends pas bien ce que tu veux dire dans ta dernière phrase : celleux qui ne s'intéressent qu'aux trucs à la mode, n'ont aucune culture ?

Omniia a écrit:par contre quand on dit qu'on a passé du temps à lire des blogs/articles/forum ça revient à dire qu'on a "glandé". Pareil quand on dit qu'on a essayé de comprendre comment faire des sites internet.

Ils dénigrent la programmation web ! Je suis choqué.

Omniia a écrit:Quand je dis que je n'aime pas lire de romans, tout le monde hallucine. Quand je dis que je vais pas souvent voir d'expos, pareil.

Omniia a écrit:Et par rapport à ce que mon groupe social considère comme le minimum au niveau de la culture (souvent c'est en histoire, littérature, musique, cinéma) bah je ne l'ai pas.

De l'histoire, des romans, des expos, de la musique et du cinéma... Si j'avais choisi fac psycho, je me serai retrouvé dans une sacrée galère.

Au fait, cette culture que tu décris, est-ce surtout chez les filles (soit le groupe majoritaire en fac psycho) ou bien aussi chez les garçons ? Quand tu as parlé de romans, je me suis dit que, dans notre société, cette activité était plus populaire chez les filles. Je me suis posé la même question pour la création de sites internet. Les garçons, ils sont chiants pareils que les filles, ou bien chiants différemment ?

@Polyvalentour : Je ne sais pas trop. En fait je ne parle pas spécialement des étudiant-es de Psycho en particulier car je les côtoie très peu. Mais oui globalement je parle des étudiant-es en Sciences Humaines.
Sinon je dirais que l'Histoire est davantage réservée au mecs, et les romans aux nanas. Et pour le reste, autant chez les nanas que chez les mecs.
Enfin du coup, ça reflète l'éducation sexiste même si mon expérience n'est pas à généraliser !

La culture, c'est le fait de s'intéresser à un peu tout... Se fermer volontairement à certains domaines, mais surtout à beaucoup si on ne lit que ce qui fait la une (ce pourquoi les magazines ne cultivent personne), c'est se refermer sur soi-même ou sur un corpus de savoir... La culture pour moi, c'est une sorte de cosmopolitisme du savoir, et ça ignore les frontières. Les Lumières, et l'Encyclopédie, ce fût une entreprise culturelle (au sens de culture) par excellence.
La pire des moins cultivée, est la personne spécialiste absolue de quelque chose.

et pour celleux qui ont pas une mémoire du feu de dieu? on peut s'intéresser à tout sans pouvoir tout ressortir en société...

@Philibert : Ah... Ce que tu décris me semble plus être une question de démarche que de culture en fait.

Faire le choix de s'intéresser à 100 domaines VS faire le choix de s'intéresser à 10 domaines, n'indiquent en rien si on a ou non une "bonne culture". Je ne vois pas trop comment tu peux comparer comme ça a priori en termes de valeurs le fait d'avoir des connaissances dans plein de sujets et le fait d'être spécialisé dans un sujet.

Et en fait j'apprécie pas trop ton mépris pour celleux qui se spécialisent dans un domaine.

Mais on peut se spécialiser. Je l'ai fait, et j'ai fuis... par impossibilité de me cultiver. Pour moi la culture implique effectivement une démarche, une liberté intellectuelle qui est tout bonnement empêchée dans notre société.
Il ne doit pas avoir d'impératif à la culture je pense... et la spécialisation est une invention sociale qui a beaucoup à voir avec le capitalisme et la concurrence, et la centralisation des pouvoir... Plus tu retournes en arrières dans l'histoire, plus tu te rends compte que les érudit-e-s étaient peu spécialisées...

+1 omniia, moi qui n'ai jamais pu me spécialiser justement, j'admire celleux qui sont maîtrESSes dans leur art et qui ont persévéré malgré les difficultés (ce qui me manque personnellement cruellement ^^)


edit: on se demande pourquoi les érudits étaient plus diversifiés dans le temps : les connaissances étaient si éparses et limitées, être au top des math c'est aujourd'hui niveau 3e... pas dur de s'y connaître dans plein de chose...

timer a écrit:et pour celleux qui ont pas une mémoire du feu de dieu? on peut s'intéresser à tout sans pouvoir tout ressortir en société...

Quand on a oublié la plus grande partie d'un bon film, on peut goûter au plaisir de le revoir. En ce qui concerne les lectures qui nous intéressent, c'est pareil : on peut goûter au plaisir de la relecture. De relecture en relecture, ces connaissances restent de plus en plus longtemps dans la mémoire. Cela dit, pour pouvoir relire, il faut garder les références.

moi qui n'ai jamais pu me spécialiser justement, j'admire celleux qui sont maîtrESSes dans leur art et qui ont persévéré malgré les difficultés (ce qui me manque personnellement cruellement ^^)

C'est une obligation sociale si tu veux rester dans les organes de savoir, ce n'est pas une liberté... La pluridisciplinarité est toujours une chose mal acceptée... La division en département universitaire, etc. s'inscrit dans une volonté de segmenter des choses qui ne devraient pas l'être... La logique de l'Etat est la quitessence de cet idée, avec des spécialiste de la politique qui savent mieux que les autres... et une population qui le reconnaît...

Polyvalentour a écrit:

timer a écrit:et pour celleux qui ont pas une mémoire du feu de dieu? on peut s'intéresser à tout sans pouvoir tout ressortir en société...

Quand on a oublié la plus grande partie d'un bon film, on peut goûter au plaisir de le revoir. En ce qui concerne les lectures qui nous intéressent, c'est pareil : on peut goûter au plaisir de la relecture. De relecture en relecture, ces connaissances restent de plus en plus longtemps dans la mémoire. Cela dit, pour pouvoir relire, il faut garder les références.

donc déjà faut s'intéresser à tout sinon on est inculte, mais en plus faut relire tout deux fois? ben mon coco, être cultivéE c'est un boulot à plein temps on dirait... faut surtout pas avoir à faire ses 35 heures par semaine...

@Philibert : Pour moi tu confonds avoir des connaissances et avoir une liberté intellectuelle, de la réflexion, etc.

J'en connais des gens qui ont énormément de connaissances en "culture générale". Mais ça n'indique en rien leur capacité de prise de distance, etc. Je connais aussi des gens qui ont beaucoup moins de connaissances apprises mais qui sont curieux, savent prendre de la distance, aiment réfléchir, etc.

Et s'intéresser à des tas de domaines peut aussi vouloir dire parfois en avoir une connaissance "superficielle".

Je crois que j'ai parlé de démarche, d'une pratique... après chacun son rythme... Et puis dès mon premier post j'ai dit que je n'avais jamais vu d'injonction sur personne, ni que j'en avais jamais subi... donc je ne prêche rien du tout.

Etre cultivé n'est pas forcément avoir de bonnes références, indeed. Et c'est ça qui est beau : si on savait objectivement exactement ce qu'il faut savoir dans chaque domaine, l'ENA serait bien le temple du savoir... ce qu'il n'est pas.

Philibert a écrit:

moi qui n'ai jamais pu me spécialiser justement, j'admire celleux qui sont maîtrESSes dans leur art et qui ont persévéré malgré les difficultés (ce qui me manque personnellement cruellement ^^)

C'est une obligation sociale si tu veux rester dans les organes de savoir, ce n'est pas une liberté... La pluridisciplinarité est toujours une chose mal acceptée... La division en département universitaire, etc. s'inscrit dans une volonté de segmenter des choses qui ne devraient pas l'être...

en même temps, sans cette spécialisation que tu semble tant détester, point de bons linguistes, point de bons cuisiniÈREs, point de bons peintres, point de matheuSEs (au moins 8 ans d'études post bac, et selon un chercheur que j'ai interviewé, au moins 5 ans de plus pour vraiment commencer à innover...)

et plus de maths, plus de science, plus de science, plus de technologie, enfin bref adieu monde moderne (remarque je serais pas contre...)